(Québec) Le gouvernement Legault envisage de réduire considérablement les droits de scolarité des étudiants français et belges afin d’attirer plus de francophones au Québec, a appris La Presse.

À l’heure actuelle, ces étudiants paient des droits de scolarité de 9000 $ par année, ce qui correspond au tarif imposé pour le moment aux étudiants venant des autres provinces canadiennes.

Le scénario sur la table à Québec vise à leur faire payer les mêmes frais que les étudiants québécois : 2880 $ par année. Ce serait une baisse de près de 70 %.

Cette mesure est envisagée dans le cadre de la préparation de la nouvelle politique de financement des universités, un dossier piloté par la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry.

Québec reviendrait à la situation d’avant 2015, année où le gouvernement Couillard avait décidé de tripler les droits de scolarité des étudiants français en leur imposant le « tarif canadien ». L’augmentation s’inscrivait dans le cadre des efforts pour retrouver l’équilibre budgétaire.

Aujourd’hui, le gouvernement Legault se donne comme objectif d’attirer plus d’étudiants francophones afin de protéger la langue française. La baisse des droits de scolarité pour les étudiants de la France et de la Belgique est considérée comme un moyen d’y parvenir. Les ententes avec les deux pays doivent justement être renégociées bientôt.

Selon les plus récentes statistiques disponibles, 16 000 étudiants français fréquentaient une université québécoise en 2019-2020, ce qui représentait alors le tiers de tous les étudiants étrangers. Ils étaient la moitié moins (environ 8000) dix ans plus tôt.

Québec songe également à négocier un accord avec la Suisse pour que les étudiants francophones de ce pays paient eux aussi les mêmes droits de scolarité que les étudiants québécois.

Si le gouvernement Legault veut attirer plus d’étudiants francophones, c’est aussi pour les retenir ici après leur diplomation.

Il a en effet ouvert les vannes de l’immigration pour les étudiants francophones de l’étranger diplômés au Québec. Il prévoit en admettre 6500 l’an prochain dans le volet Diplômés du Québec du Programme de l’expérience québécoise – c’est en plus de la cible de 50 000 nouveaux arrivants qu’il veut accueillir. Il pourrait accepter encore davantage de diplômés puisqu’il n’y a aucun plafond. Du reste, Québec a admis près de 9000 étudiants étrangers diplômés ici en 2021 et 10 700 autres en 2022 avec ce programme d’immigration.

Un taux de francisation à 80 %

La décision au sujet de la facture des étudiants français, belges et suisses ne sera pas prise à court terme. Le dossier des autres étudiants étrangers et de ceux d’autres provinces canadiennes est plus chaud. Et il y a du nouveau.

Le gouvernement Legault veut imposer aux universités anglophones de franciser au moins 80 % de leurs étudiants venant d’autres provinces canadiennes et de l’étranger, a appris La Presse.

C’est deux fois plus que ce que les universités McGill et Concordia se sont dites capables de faire.

Selon nos informations, il s’agit d’une intention de Pascale Déry que le Conseil des ministres doit entériner ce mercredi lors de sa réunion hebdomadaire.

À cette même occasion, et comme La Presse le révélait le 29 novembre, le gouvernement doit prendre la décision d’augmenter de 33 % – au lieu de doubler – les droits de scolarité des étudiants venant des autres provinces canadiennes à compter de la rentrée 2024.

Le tarif doit passer de 9000 $ à 12 000 $ par année. Québec envisageait au départ de le faire passer à 17 000 $. Les sommes supplémentaires récoltées – quelques dizaines de millions – seront redistribuées aux universités francophones.

L’université Bishop’s, à Sherbrooke, sera exemptée de cette mesure d’une certaine façon, indique-t-on en coulisses.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

La ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry

Le gouvernement ira de l’avant comme prévu avec la nouvelle tarification pour les étudiants étrangers. Il fixera un tarif plancher à 20 000 $ pour ces étudiants, somme sur laquelle il percevra 3000 $. Les fonds amassés serviront là encore à augmenter le financement des universités francophones.

Au cabinet de la ministre Déry, « on ne confirme rien pour l’instant ». On ajoute qu’une annonce sera faite d’ici la fin de la semaine.

Pour tenter de convaincre le gouvernement de reculer sur la hausse des droits de scolarité, les universités McGill et Concordia lui avaient proposé un plan visant à franciser au moins 40 % de leurs étudiants non francophones venant du reste du Canada et de l’étranger, notamment avec l’instauration de cours obligatoires. Elles avaient suggéré que ces étudiants « atteignent un niveau de français 6 de l’Échelle québécoise ». Le niveau 6 est le stade intermédiaire de connaissance du français dans l’échelle comprenant 12 niveaux.

Or, la ministre Déry veut que le plan soit plus ambitieux. Elle compte leur demander de s’assurer qu’au moins 80 % de leurs étudiants aient, d’ici la fin de leur formation, une connaissance du français équivalente au niveau 6, selon nos informations. Le plan de francisation devrait être mis en œuvre à la rentrée de 2025, souhaite Québec.

Le gouvernement pourrait donner un coup de pouce financier aux universités anglophones afin de leur permettre d’atteindre la cible. Mais il pourrait y avoir des pénalités si l’objectif n’est pas atteint.