(Québec) L’Université McGill juge « complètement irréaliste » l’intention de Québec d’exiger d’elle de franciser 80 % de ses étudiants étrangers et ceux venant des autres provinces canadiennes.

À moins d’un revirement de dernière minute, le Conseil des ministres du gouvernement Legault a pris la décision mercredi de faire passer de 9000 $ à 12 000 $ les droits de scolarité de ces étudiants, une mesure décriée par les universités anglophones. Il s’est également prononcé en principe sur la volonté de la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, d’imposer aux universités anglophones de franciser au moins 80 % de leurs étudiants venant d’autres provinces canadiennes et de l’étranger, comme La Presse le révélait mercredi. Une annonce est prévue jeudi.

« C’est complètement complètement irréaliste. Ça n’a absolument aucun sens », affirme en entrevue Fabrice Labeau, premier vice-principal exécutif adjoint de l’Université McGill. Il confirme que ce scénario a été mis sur la table par le gouvernement. « C’est vraiment majeur. C’est quasiment plus gros que la question des 12 000 $. »

Pour tenter de convaincre le gouvernement de reculer sur la hausse des droits de scolarité, les universités McGill et Concordia lui avaient proposé un plan visant à franciser au moins 40 % de leurs étudiants non francophones, notamment avec l’instauration de cours obligatoires. Ils avaient suggéré que ces étudiants « atteignent un niveau de français 6 de l’Échelle québécoise ». Le niveau 6 est le stade intermédiaire de connaissance du français dans l’échelle comprenant 12 niveaux.

Québec veut que ces universités en francisent deux fois plus. Or, pour faire passer un étudiant n’ayant aucune connaissance du français au niveau 6, « ça prend à peu près 240 heures de cours de français. Ça veut dire à peu près 18 crédits universitaires. Ça se traduit par plus qu’un semestre entier », explique Fabrice Labeau.

Dans ces conditions, « c’est assez clair [que les étudiants chinois ou indiens hésitant entre Montréal et Toronto] vont tous finir à Toronto », selon lui.

« C’est vraiment un scénario catastrophe. On a 12 000 étudiants internationaux, à peu près 2000 sont français. On risque d’en perdre beaucoup. Ils ne viendront plus », ajoute-t-il.

La ministre contredite

En marge de la réunion hebdomadaire du conseil des ministres à Québec, la ministre Pascale Déry a refusé de commenter le dossier, préférant attendre l’annonce officielle.

Au sujet d’une baisse des droits de scolarité pour les étudiants de la France, de la Belgique et de la Suisse, elle a affirmé que le gouvernement « n’est pas rendu là du tout ». « Ça ne fait pas partie des moyens envisagés », a-t-elle ajouté mercredi.

Or un document de son propre ministère affirme exactement le contraire. Il concerne la révision de la politique de financement des universités et porte le slogan caquiste « Votre gouvernement ».

Dans la section intitulée « Nouvelle tarification des étudiants » internationaux et Canadiens non résidents du Québec (CNRQ), on détaille les « mesures possibles » qui sont envisagées par le gouvernement :

  • baisser les droits de scolarité des étudiants de 1er cycle et de 2e cycle professionnel originaires de la France et de la Communauté française de Belgique au tarif québécois ;
  • négocier une entente avec la Suisse permettant aux étudiants suisses francophones de débourser les mêmes droits de scolarité que les étudiants québécois ;
  • octroyer des exemptions des droits de scolarité supplémentaires aux étudiants CNRQ francophones ;
  • octroyer de nouvelles exemptions des droits de scolarité supplémentaires aux établissements universitaires francophones ;
  • mettre en place des mesures visant à recruter, à diplômer et à retenir les étudiants internationaux dans les programmes offerts en français, notamment en lien avec l’Opération main-d’œuvre et la vitalité des régions ;
  • soutenir des initiatives visant la francisation des étudiants internationaux qui fréquentent une université anglophone, en collaboration avec Francisation Québec.

Ces « mesures concrètes » sont considérées comme des moyens de « soutenir la francisation ». Les « objectifs de la politique de financement » en lien avec la nouvelle tarification sont de « promouvoir la langue française » et « dans une moindre mesure, répondre aux enjeux de main-d’œuvre et contribuer au développement économique, social, culturel et durable du Québec ».