Les jeunes Québécois entrent à l’école avec de plus en plus de difficultés, un phénomène accentué par la pandémie. Près de 29 % des enfants de maternelle 5 ans sont aujourd’hui considérés comme « vulnérables » dans au moins un domaine de leur développement, soit trois points de plus qu’il y a dix ans.

Nette tendance à la hausse

Depuis 10 ans, l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) étudie le développement des enfants entrant à la maternelle. La troisième édition de l’Enquête québécoise sur le développement des enfants (EQDEM), réalisée auprès de 78 000 enfants en 2022, montre que 28,7 % des élèves de la maternelle étaient considérés comme « vulnérables » dans au moins un domaine de développement. Cela signifie concrètement qu’ils sont plus susceptibles de connaître des difficultés sur le plan scolaire, mais aussi émotionnel ou social. Des exemples concrets : avoir du mal à travailler de façon autonome, à attendre son tour ou à faire appel à son imagination lors d’un jeu. En 2012, ce chiffre était de 25,6 %, puis en 2017, il avait grimpé à 27,7 %. Bref, la tendance est manifestement à la hausse, alors que beaucoup d’efforts gouvernementaux sont mis depuis des années au Québec pour réduire le nombre d’enfants aux prises avec des difficultés d’apprentissage.

Des régions plus touchées que d’autres

C’est à Laval (33,9 %), sur la Côte-Nord (32,8 %), en Outaouais (32,2 %) et en Estrie (30,2 %) que le taux d’enfants considérés comme vulnérables dans au moins un domaine de développement est le plus élevé. La situation de Laval et de l’Outaouais serait toutefois particulièrement aiguë, note l’ISQ dans son rapport, puisque ces deux régions « présentent des proportions d’enfants vulnérables significativement plus élevées que le reste du Québec » dans la totalité des domaines de développement, soit la santé physique, les compétences sociales, la maturité affective, le développement cognitif et langagier, les habiletés de communication ou encore les connaissances générales de l’enfant.

Quels jeunes sont les plus affectés ?

Plusieurs constats ressortent. D’abord, tout indique que les garçons sont nettement plus touchés par les difficultés d’apprentissage. À ce jour, on considère comme « vulnérables » environ 35,6 % des garçons de maternelle 5 ans, contre 21,6 % des filles. Il semble par ailleurs que les enfants les plus jeunes de la maternelle, autrement dit ceux qui avaient moins de 5 ans et 9 mois, sont plus touchés que les plus vieux, à raison de 34,8 % contre 23,3 %. Environ 33 % des élèves fréquentant une école défavorisée auront éventuellement une difficulté d’apprentissage, alors que 27 % d’entre eux vivront la même réalité dans une école non défavorisée. Enfin, les jeunes nés à l’extérieur du pays sont aussi fortement surreprésentés (37,3 %) par rapport aux enfants nés au Canada (28 %).

Des chances inéquitables

Pour la directrice de l’Observatoire des tout-petits (OTP), Julie Cailliau, les données de l’enquête sont « très préoccupantes ». « On frise le 30 % et ça ne cesse d’augmenter depuis des années. Ça démontre que tout le monde ne part vraiment pas avec les mêmes chances, sur la même ligne de départ », songe la gestionnaire. L’OTP appelle les gouvernements, mais aussi le milieu communautaire et des affaires, à « travailler ensemble pour influencer positivement les conditions de vie des familles ». « Il faut améliorer l’accès à des services de garde de qualité et réduire les écarts entre milieux favorisés et défavorisés. L’enjeu du logement a aussi un gros impact : habiter dans un logement au-dessus des moyens d’un ménage peut avoir un impact important sur le développement des enfants », conclut Mme Cailliau.

L’impact de la COVID-19 ?

Au cabinet du ministre responsable des services sociaux, Lionel Carmant, on rappelle que « la pandémie de COVID-19 a eu une incidence non négligeable sur l’état de développement des enfants ». « Le portrait serait bien plus sombre sans tout le travail fait pour les enfants plus vulnérables et leurs familles depuis 2018 », soutient toutefois l’attaché de presse du ministre, Lambert Drainville, en rappelant que des programmes comme Agir tôt ou Olo « auront certainement un impact majeur à long terme auprès des populations vulnérables ». « Nous mettons en place plusieurs initiatives qui visent à mieux soutenir les familles les plus vulnérables afin de favoriser le développement de leur enfant. Il reste du travail à faire, mais nous sommes sur la bonne voie », assure au passage le cabinet du ministre.

Vaste chantier en vue en Outaouais

Région affichant un taux de vulnérabilité particulièrement élevé, l’Outaouais entend intensifier ses efforts pour soutenir les jeunes. La directrice régionale de la santé publique, la Dre Brigitte Pinard, a évoqué mercredi « qu’une action peut difficilement à elle seule permettre de réduire la proportion d’enfants vulnérables ». Consciente du chemin à faire, son organisation lancera fin octobre une série de six rencontres publiques pour « cibler les changements souhaités pour les enfants, les parents et la communauté ». Plus d’une vingtaine de partenaires provenant de différents milieux y seront invités à témoigner. Le tout culminera en janvier avec un « chantier sur le développement global des tout-petits » qui sera piloté par la Concertation en développement social de l’Outaouais pour mettre en place des recommandations.

En savoir plus
  • 80 %
    La politique gouvernementale de prévention de la santé a pour objectif de faire en sorte qu’en 2025, 80 % des enfants arrivent à la maternelle sans aucune vulnérabilité dans les sphères de développement. En Abitibi-Témiscamingue, cela représente un écart de 10 % à rattraper, a évoqué mercredi la Santé publique de cette région, en appelant à « poursuivre les travaux d’arrimage entre les partenaires afin que tous les enfants aient l’opportunité de bien se développer ».
    Source : SANTÉ PUBLIQUE DE L’ABITIBI-TÉMISCAMINGUE