Chaises et tables utilisées comme projectiles, coups et même tentative d’étranglement : la violence dans une école primaire de Beauce est à ce point devenue insoutenable que la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) a ordonné l’arrêt des « services éducatifs ».

Pendant plusieurs mois, le personnel d’une classe destinée aux enfants avec un trouble du spectre de l’autisme de l’école primaire Maribel à Sainte-Marie, en Beauce, a vécu des tentatives d’agression « récurrentes et imprévisibles », lit-on dans une récente décision de la CNESST qui donne un aperçu de la violence à laquelle le personnel des écoles fait parfois face.

En un peu plus d’un mois ont été rapportés « 14 coups, 3 renversements de mobilier, 10 fugues, 14 lancers d’objets, 3 menaces, 1 morsure, 4 serrages ou pinçage de bras, uriner à 3 reprises de manière volontaire à l’extérieur de la toilette et 1 tentative d’étranglement », lit-on dans ce rapport rédigé en mai que La Presse a obtenu.

En conséquence, la CNESST a jugé le 16 mai dernier qu’il y avait un danger pour « la santé, la sécurité et l’intégrité physique et psychique » des travailleurs de cette classe et a interdit « l’exécution de travaux de services éducatifs ».

Les travailleurs dont il est question dans le rapport peuvent être des « enseignants, techniciens et techniciennes en éducation spécialisée (TES), techniciens et techniciennes de services de garde ou encore techniciennes en travail social ou tout autre travailleur » au sens de la loi, nous a précisé la CNESST.

Des enfants avec « des maladies ou des handicaps »

Que s’est-il passé dans cette classe ? Au centre de services scolaire Beauce-Etchemin (CSSBE), on explique que pour des raisons de confidentialité, on ne peut donner de détails sur le nombre d’élèves qui ont eu des comportements violents ou sur ce que signifie concrètement l’arrêt des services éducatifs.

« Ce sont des enfants qui ont des maladies ou des handicaps, ils se désorganisent. Ils ne font pas exprès, ils ne veulent pas blesser intentionnellement, c’est à cause de leur condition que ça arrive », explique Caroline Drouin, conseillère en gestion du personnel au CSSBE.

La CNESST écorche le CSSBE dans son rapport et note que malgré la présence de violence physique et verbale au quotidien, tant envers les élèves qu’envers le personnel, aucun rapport ou enquête ne lui a été remis pour « démontrer une prise en charge des évènements ».

On lit également que « les travailleurs n’ont pas l’entraînement et la supervision appropriée […] pour répondre aux besoins spécifiques des usagers avec des comportements agressifs et imprévisibles ».

Au CSSBE, on se défend d’avoir tardé à agir. « Personne ne s’est fermé les yeux. On a travaillé en collaboration avec les partenaires, la direction, les gens du milieu pour tenter d’améliorer la situation », dit Mme Drouin. Des changements ont été apportés depuis, ajoute-t-elle.

Un « reflet » de ce qui se passe dans d’autres classes

Selon le président du Syndicat de l’enseignement de la Chaudière, ce cas est « un peu le reflet de ce qui se passe dans les classes d’adaptation scolaire ».

« Il y a beaucoup de classes où il y a des coups de pied, des coups de poing, des morsures. C’est un dossier qui nous préoccupe chaque année », dit Dominic Loubier.

La démarche de la CNESST aura « apporté des changements à la manière de gérer ces cas-là », souhaite-t-il.

L’organisme confirme avoir levé son interdiction d’enseignement le 30 mai dernier « à la suite des correctifs mis en place par l’employeur ». Le CSSBE a réaménagé les classes et « mis en place un protocole et des outils de communication et d’intervention en cas de crise ».

La hausse de la violence dans les écoles a été documentée largement au cours des derniers mois. Dans un récent sondage mené par la Fédération des employées et employés des services publics (FEESP-CSN), le tiers des employés de soutien des écoles disait avoir subi de la violence physique.

À la fin du mois de mars, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, s’était déclaré « extrêmement inquiet » face à la violence dans les écoles et avait dit travailler sur une stratégie pour la contrer.

Dominic Loubier constate lui aussi qu’il y a plus de violence qu’avant dans les écoles.

« Aucun prof n’est à l’abri d’une chaise lancée », soupire le président du Syndicat de l’enseignement de la Chaudière.

Avec William Leclerc, La Presse