En raison de la pénurie d’enseignants qualifiés, le centre de services scolaire de Sorel-Tracy entend réaffecter des orthopédagogues pour qu’ils soient titulaires de classe à la prochaine rentrée. Une décision qui entraînera des « conséquences désastreuses », s’inquiètent plusieurs centaines d’enseignants.

Au total, ce sont neuf orthopédagogues qui devront aller dans un « champ où il y a un besoin ». C’est donc environ le tiers des orthopédagogues qui devront aller enseigner au primaire.

« La pénurie d’enseignants nous force à revoir toutes les options qui s’offrent à nous afin de récupérer des enseignants qualifiés », lit-on dans une lettre envoyée aux orthopédagogues touchées par cette décision, lettre que La Presse a obtenue. Elle est signée par le directeur des ressources humaines du CSS de Sorel-Tracy, Marc Vigneault.

La porte-parole du CSS de Sorel-Tracy explique que face à la pénurie de profs, on est en « mode solutions ».

« À elle seule, cette orientation permettra à plus de 200 élèves de bénéficier d’un(e) enseignant(e) légalement qualifié(e) pour toute l’année scolaire 2023-2024 », écrit Laurence Cournoyer.

La présidente du Syndicat de l’enseignement du Bas-Richelieu, Lisette Trépanier, ne fait pas le même calcul. Elle dit qu’en réaffectant ces neuf orthopédagogues, c’est plutôt « 400 élèves qui n’auront pas de services directs ».

Les orthopédagogues, dit-elle, n’ont pas étudié pour être titulaires de classe. « Qu’est-ce qui va arriver ? Elles vont [postuler] ailleurs et vont partir », craint-elle.

C’est vers le privé qu’envisage en effet de se tourner Émilie*, une orthopédagogue qui risque de se retrouver titulaire de classe l’an prochain.

« On nous demande d’aller enseigner sous prétexte qu’on a un brevet. Mon objectif de carrière, c’était d’être orthopédagogue », dit-elle. Demanderait-on à un chirurgien cardiaque de faire des opérations au cerveau, sous prétexte qu’il a son permis d’exercice de la médecine ? illustre-t-elle.

« Un diachylon sur une fracture ouverte »

Il faudra l’an prochain 14,5 orthopédagogues dans les écoles primaires du CSS de Sorel-Tracy et ces personnes « seront toujours en poste », assure sa porte-parole.

Émilie se demande comment ils arriveront à assurer un bon service pour les élèves, alors que les 23 orthopédagogues actuels peinent à répondre à la demande cette année.

« On est déjà dans la priorisation qui fait mal au cœur. Ça me fait de la peine d’imaginer comment ça va être l’an prochain », dit Émilie.

Une pétition a été lancée par des parents pour demander aux dirigeants du centre de services scolaire de maintenir les services actuels en orthopédagogie. Jusqu’ici, un peu plus d’un millier de personnes l’ont signée.

Dans une lettre adressée aux dirigeants du CSS et signée par plus de 200 enseignants, on lit que la pénurie est loin d’être propre au centre de services scolaire de Sorel-Tracy.

« Quelques orthopédagogues ne pourront pas à eux seuls régler la pénurie d’enseignants, ni ici ni dans la province. Cette façon de penser est similaire à l’application d’un diachylon sur une fracture ouverte… », peut-on lire.

Réduire les services d’orthopédagogie « entraînera des conséquences désastreuses chez les élèves à risque : la prévention chez les plus jeunes et le dépistage seront entre autres en péril », poursuivent-ils.

Au CSS de Sorel-Tracy, on estime que pour la prochaine année scolaire, 60 classes ne pourront avoir un enseignant légalement qualifié.

« À ce jour, pour l’année scolaire 2022-2023, 14 % de l’enseignement a été dispensé par des enseignant(e)s non légalement qualifié(e)s », écrit Laurence Cournoyer.

Il ne faudrait pas oublier que les orthopédagogues viennent justement en aide à ces profs qui n’ont pas de brevet d’enseignement, observe Lisette Trépanier.

* Prénom fictif