Le nombre d’élèves qui vivent au Québec en vertu d’un permis temporaire et qui fréquentent des écoles de langue anglaise a augmenté de près de 90 % en 10 ans, montrent des chiffres obtenus par La Presse. Il s’agit de jeunes souvent originaires d’Asie ou des États-Unis, mais aussi de France.

Entre les années 2012 et 2015, il y avait, bon an mal an, environ 1750 élèves titulaires d’un permis de séjour temporaire inscrits à l’école en anglais. L’an dernier, c’est plus de 3200 élèves venus de l’extérieur du Québec qui étaient scolarisés en anglais.

Au cours des deux dernières années, c’est principalement de la Corée du Sud, de l’Inde, de la Chine, des États-Unis et de la France que venaient ces élèves scolarisés dans les établissements de langue anglaise.

Contrairement aux autres types d’immigrants (les demandeurs d’asile, par exemple), les nouveaux arrivants qui ont un permis de séjour temporaire ont le droit d’envoyer leurs enfants à l’école en anglais en raison d’une disposition de la loi 101.

Ainsi, le nombre d’élèves à statut d’immigration temporaire dans les écoles anglophones « a tendance à augmenter avec le nombre de permis temporaires émis par le Québec », observe Russell Copeman, président de l’Association des commissions scolaires anglophones du Québec (ACSAQ) et ex-député libéral.

Justement, le nombre de ceux qui arrivent au Québec avec ce type de permis de séjour a augmenté dans les dernières années. À titre d’exemple, en 2022, 51 260 personnes avaient obtenu un permis temporaire en vertu du Programme de mobilité internationale, alors que cinq ans auparavant, leur nombre était de 34 400.

À la commission scolaire English-Montréal, ce sont donc 564 nouveaux élèves qui sont arrivés en 2022-2023 avec un statut temporaire. En 2021, ils étaient 100 élèves de moins à s’inscrire avec ce statut.

À la commission scolaire Riverside, sur la Rive-Sud, on indique que pour l’année scolaire en cours, 5 % des élèves ont ce statut temporaire, soit environ 400 élèves. Ils viennent majoritairement de l’Inde (12 %), de la Corée du Sud (11 %), de la France (8 %), des États-Unis (8 %) et du Brésil (6 %).

« Une goutte dans la mer »

Pour Russell Copeman, le nombre d’élèves au statut temporaire qui sont scolarisés en anglais, c’est « une goutte dans la mer » que représentent les élèves québécois.

Dès qu’ils font une demande de statut permanent, le certificat temporaire pour étudier en anglais est révoqué à la fin de l’année scolaire. Ce n’est pas vraiment un problème.

Russell Copeman, président de l’Association des commissions scolaires anglophones du Québec

La sociolinguiste Béatrice Rea est aussi de cet avis. À long terme, dit-elle, ces immigrants ne peuvent rester « temporaires », donc ils rejoignent le système d’éducation francophone.

« La menace pour le français, c’est quand on va se mettre à toucher à la loi 101 et permettre aux gens d’envoyer leurs enfants à l’école anglophone. Du moment où on contrôle la langue dans laquelle les enfants sont scolarisés, par exemple chez les nouveaux arrivants, on s’assure de pérenniser le français », croit Mme Rea, diplômée de l’Université d’Oxford et professionnelle de recherche à l’Université de Sherbrooke.

Une « richesse »

Fréquenter une école de langue anglaise est une option dont peu de Québécois peuvent se prévaloir. Pour qu’un enfant y soit admissible, il faut par exemple que l’un de ses deux parents ait reçu la majorité de son enseignement primaire en anglais au Canada.

Arrivée de France avec son mari il y a quelques années, Nathalie Meissner a pu envoyer ses deux enfants à l’école en anglais en raison de son statut temporaire d’immigration. C’est en discutant avec des amis qu’elle a appris qu’une telle chose était possible. Elle a opté pour une école où l’enseignement est bilingue.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Nathalie Meissner a choisi d’envoyer ses enfants dans une école anglophone lorsque la famille est arrivée de France.

L’idée première, c’était d’apprendre une langue étrangère au plus jeune âge pour que ce soit le plus facile possible pour eux. Pour moi, c’est une vraie richesse.

Nathalie Meissner

Son mari et elle viennent d’obtenir leur statut de résident permanent. « On l’a obtenu beaucoup plus rapidement qu’on pensait, ça nous a un peu pris au dépourvu. On croyait qu’on pourrait laisser nos enfants plus longtemps à l’école anglophone », dit-elle en riant.

Son fils et sa fille, qui parlent aussi allemand, devront intégrer une école francophone dès la prochaine rentrée.

Sur les réseaux sociaux, la question de l’enseignement en anglais pour les immigrants à statut temporaire est fréquemment soulevée dans les groupes d’expatriés.

« Beaucoup voient l’avantage de l’apprentissage de langues étrangères quand on est jeune, que ce soit pour les Français ou les gens d’autres nationalités », dit Nathalie Meissner.

L’arrivée de ces nouveaux élèves peut être bénéfique pour les commissions scolaires anglophones, qui ont dû fermer nombre d’écoles, dit Russell Copeman.

« On a un réseau de 75 000 élèves au primaire et au secondaire ; 3000 élèves, ce n’est pas négligeable. Ça l’est dans le portrait global du Québec, mais pour des commissions scolaires, ça ne l’est pas », affirme Russell Copeman.

Les écoles anglophones, dit-il, ont perdu 60 % de leurs élèves depuis l’adoption de la loi 101.