S'inscrivant en faux contre l'inquiétude ambiante quant à l'endettement des Canadiens, Fred Vettese, actuaire en chef de Morneau Sobeco, a publié à l'automne une étude selon laquelle, en fait, trop de gens épargnent exagérément.

Selon lui, un couple qui gagne 100 000$ et plus n'a pas besoin de viser 70% de ses revenus à la retraite: 50% suffisent largement.

Après tout, disait-il, quantité de dépenses disparaissent à la retraite: plus d'hypothèque à payer, plus de cotisation à la Régie des rentes et à l'assurance emploi, les enfants se débrouillent d'eux-mêmes, etc.

Malgré les critiques que cette étude lui a values, M. Vettese persiste et signe. En entrevue, il soutient que, à la réflexion, son calcul vaut même pour des couples dont les revenus ne sont que de 60 000$. Mieux, dit-il, comme il avait omis à l'automne de prendre en considération le fait que l'impôt sur le revenu diminue considérablement à la retraite, le pourcentage magique peut n'être que de 45%.

Cela dit, M. Vettese relève que, pour y arriver, il faut épargner entre 7% et 9% de ses revenus pendant 35 de ses années actives, «ce qui est loin d'être facile».

Francine Beaulieu, vice-présidente de Question retraite, organisme créé par la Régie des rentes, craint que cette étude qui a fait grand bruit n'incite des gens à épargner moins, alors que la réalité du Québécois moyen ne le lui permet pas.

La réalité, dit-elle, c'est que 69% des Québécois gagnent moins de 45 000$, selon les données de Revenu Québec de 2008; de plus, 65% des Québécois travaillent dans une PME, et la grande majorité d'entre eux ne cotisent donc pas à un régime de retraite.

Des deux gouvernements, on ne peut espérer que 18 000$ par année à la retraite. Ce n'est pas beaucoup, surtout quand on vit seul, ce qui est le lot de beaucoup de gens, surtout quand ils avancent en âge. «Une personne qui gagne 45 000$ et qui s'en tient à la règle des 70% n'aura pas trop de ses 31 500$ par année», dit Mme Beaulieu.

Car même si la maison est payée, les dépenses continuent d'être importantes, en impôt foncier comme en imprévus. Mais bien sûr, dit-elle un peu cyniquement, on peut toujours se contenter d'une retraite passée tout entière devant la télévision ou «dans un centre d'accueil où l'on mangera de la petite purée».

M. Vettese reconnaît lui-même que la grande inconnue, c'est justement notre état de santé et le lieu où l'on devra finir ses jours. «Soit on devra aller en maison de retraite, soit on n'y entrera pas. Si une personne n'y va jamais, alors son revenu de retraite est probablement beaucoup plus élevé que ce qu'elle pourra dépenser. Si on doit aller en maison de retraite, peut-être alors n'aura-t-on pas assez d'argent.»