Très attaché au Québec, Paul Desmarais n'a jamais caché son engagement profond envers le fédéralisme canadien.

Ardent fédéraliste, Paul Desmarais ne pouvait envisager l'idée que le Québec se sépare du Canada un jour.

Dans une rare entrevue accordée au magazine français Le Point en 2008, M. Desmarais avait dit craindre le pire si le Canada en venait à éclater. Mais du même coup, il ne cachait pas son attachement au Québec.

«Si le Québec se sépare, ce sera sa fin. Moi, je suis attaché à la liberté et à la démocratie », avait-il notamment affirmé au magazine.

«Je suis Franco-Ontarien de naissance. J'ai choisi le Québec pour y vivre. Je suis Canadien. Le Canada, c'est mon pays. Le Québec, c'est ma province», avait-il aussi déclaré.

M. Desmarais était convaincu que le Québec aurait de la difficulté à tirer son épingle du jeu sur le plan économique en brisant le lien qui l'unit au reste du Canada dans un contexte nord-américain.

L'homme d'affaires tenait aussi à ce que La Presse, le principal quotidien de son entreprise de presse, défende bec et ongles les principes du fédéralisme et l'unité canadienne dans ses pages éditoriales. «Le point de vue des séparatistes peut apparaître, mais la ligne éditoriale est fédéraliste. Il n'y a pas d'ambiguïtés», avait-il dit au magazine.

Les souverainistes ont d'ailleurs toujours considéré M. Desmarais comme un adversaire de leur cause et l'ont souvent accusé d'utiliser le poids de son entreprise Power Corporation pour influencer les Québécois aux référendums de 1980 et de 1995.

«Si tu n'étais pas séparatiste...»

Dans une biographie non autorisée de l'ancien premier ministre Jacques Parizeau, l'ex-journaliste Pierre Duchesne et actuel ministre péquiste relate une rencontre entre Paul Desmarais et le ténor souverainiste, en 1988 à son manoir de Charlevoix.

À l'époque, Jacques Parizeau était chef du Parti québécois, mais enseignait toujours l'économie aux HEC de Montréal.

M. Parizeau avait reçu le mandat de Robert Bourassa de sonder l'intérêt d'une fusion entre la Consolidated-Bathurst, propriété de M. Desmarais, et Domtar.

«Tu sais, si tu n'étais pas séparatiste, tu serais un fantastique ministre des Finances», avait lancé sourire en coin M. Desmarais durant cette rencontre.

Il avait aussi profité de cette rencontre pour réitérer à Jacques Parizeau ses craintes d'une éventuelle séparation du Québec.

«Moi, Jacques, c'est une question de liberté. Si on se sépare, puis qu'on a un gouvernement, puis que c'est toi qui diriges toute l'affaire, est-ce qu'on va vraiment être libres? Est-ce qu'on va être capables de faire ce qu'on veut ou est-ce que tu vas décider de tout contrôler?», avait affirmé M. Desmarais à Jacques Parizeau, selon les témoignages recueillis par Pierre Duchesne auprès des deux hommes.

«Puis si on est indépendants, c'est inévitable, tu vas vouloir avoir ta propre monnaie! Comme économiste, tu vas en avoir marre de la Banque centrale du Canada avec ses taux d'intérêt trop hauts. Puis, tu vas aller à la télévision un bon soir pour dire à tous les Québécois: Messieurs, nous sommes un pays indépendant, il faut donc décider maintenant si nous voulons continuer d'être à la merci de la Banque du Canada. Finie cette histoire- là, demain matin les banques sont autorisées à changer votre argent pour de l'argent québécois! Puis après, les problèmes économiques vont commencer», relate M. Duchesne dans la biographie de Jacques Parizeau.

Durant toute sa vie, M. Desmarais a pris soin de cultiver des liens étroits avec les hommes politiques au pouvoir à Québec et à Ottawa, peu importe leurs orientations politiques. Et il arrivait souvent que des premiers ministres le consultent sur des dossiers à saveur économique. Il n'hésitait pas d'ailleurs à financer des candidatures politiques qui avaient de bonnes chances d'exercer le pouvoir un jour.

L'homme d'affaires invitait aussi à l'occasion les Pierre Elliott Trudeau, Brian Mulroney, Jean Chrétien et Paul Martin soit à Montréal, à sa résidence de Palm Beach, en Floride, ou à son domaine de Sagard, dans Charlevoix.

Le journaliste Peter C. Newman a écrit dans le magazine Maclean's que M. Desmarais est allé cueillir Pierre Elliott Trudeau à l'aéroport de Québec dans l'une de ses Rolls-Royce peu de temps après son élection à la tête du pays en 1968. Quand Pierre Trudeau lui a demandé si c'était plaisant de conduire une telle voiture, M. Desmarais lui a confié le volant. «C'est la première fois de ma vie que je me fais conduire par un premier ministre », s'était-il alors exclamé, selon ce que raconte Peter C. Newman.