Qui a construit les écoles canadiennes en Afghanistan? C'est le secret le mieux gardé de Kandahar. La plupart des entrepreneurs afghans qui reçoivent un contrat le donnent en sous-traitance en mettant dans leurs poches une généreuse cote.

«Si un entrepreneur reçoit un contrat de 1 million, explique le directeur du ministère de l'Éducation, Ahmad Khalid, il va le donner à un sous-traitant et empocher la moitié de l'argent. Le sous-traitant n'aura plus qu'un demi-million pour faire le travail. Et il va peut-être lui aussi sous-traiter le contrat en se gardant une cote. Et ainsi de suite. L'entrepreneur qui se retrouve au bout de la chaîne n'aura plus beaucoup d'argent pour réaliser le projet, il va donc utiliser des matériaux de très mauvaise qualité.»

Cette pratique de la sous-traitance est extrêmement répandue, mais depuis que M. Khalid est arrivé à la tête du Ministère en novembre, il y a mis fin. Il précise que le Ministère n'a aucun contrôle sur le choix de l'entrepreneur. «C'est le pays donateur qui choisit et surveille le chantier puisque c'est lui qui paie», tient-il à préciser.

«De sous-traitance en sous-traitance, le pays donateur finit par perdre le fil... et le contrôle, ajoute M. Khalid. Les Canadiens ont donné le travail aux Afghans. S'ils avaient visité les chantiers au moins trois fois, les écoles ne seraient pas dans cet état.»

Mais tous les pays ne souscrivent pas à ces moeurs afghanes. Les Japonais, par exemple, ont employé des ingénieurs et des inspecteurs japonais. Ils ont surveillé le chantier du début à la fin. Et leurs écoles sont solides.

Un début d'explication

Selon un fonctionnaire canadien qui a travaillé pendant des années à Kandahar et qui tient à garder l'anonymat, «il n'y avait pas de suivi dans les projets et les fonctionnaires étaient obsédés par la performance. Tous les trois mois, ils devaient remettre un rapport au gouvernement Harper pour montrer les progrès accomplis. Mais trois mois, c'est beaucoup trop court dans le contexte afghan.»

«Pour les écoles, poursuit-il, on effectuait peu de surveillance et le Canada n'avait aucun contrôle sur la corruption. Personne n'avait d'expérience dans les zones dangereuses. Tout le monde improvisait: l'ACDI, le ministère des Affaires étrangères, les militaires, les services correctionnels, etc.»