Les révélations selon lesquelles des agents du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) ont joué un rôle crucial dans les interrogatoires de prisonniers talibans justifient la tenue d'une enquête publique sur le traitement réservé aux détenus afghans capturés par les troupes canadiennes, estiment les partis de l'opposition.

Le chef du Parti libéral, Michael Ignatieff, et le chef du NPD, Jack Layton, sont revenus à la charge lundi pour exiger la tenue d'une telle enquête, affirmant que ces révélations soulèvent encore plus de questions sur le rôle des autorités canadiennes dans le traitement réservé aux détenus en Afghanistan.

Par exemple, les agents du SCRS savaient-ils que les détenus qu'ils ont interrogés risquaient d'être torturés une fois qu'ils étaient remis aux autorités afghanes ? Ces mêmes agents ont-ils utilisé des tactiques qui seraient contraires aux conventions internationales ? Ces questions demeureront sans réponse si le gouvernement Harper refuse de créer une commission d'enquête publique, selon MM. Ignatieff et Layton.

Lundi, le chef libéral a même envoyé une lettre ouverte au premier ministre Stephen Harper dans laquelle il l'exhorte à confier un mandat plus large à l'ancien juge de la Cour suprême du Canada, Frank Iacobucci.

Vendredi dernier, le ministre de la Justice, Rob Nicholson, a annoncé qu'il confiait au juge à la retraite Iacobucci le mandat d'analyser les documents portant sur le traitement réservé par les autorités afghanes à des détenus que leur avait remis l'armée canadienne.

Les trois partis de l'opposition réclament ces documents depuis l'automne dernier afin de déterminer si le gouvernement canadien était au courant que des détenus risquaient la torture s'ils étaient remis aux autorités afghanes, comme l'a soutenu le diplomate Richard Colvin dans un témoignage devant un comité parlementaire en novembre dernier.

Mais le gouvernement a jusqu'ici refusé de dévoiler les documents non censurés en invoquant la sécurité nationale. Sa décision de nommer le juge Iacobucci a été vue par l'opposition comme une manoeuvre pour gagner du temps.

«Le gouvernement se cachait derrière les forces armées, maintenant il se cache derrière le juge Iacobucci. Le juge n'a aucune directive claire, ni mission définie, ni les moyens nécessaires pour accomplir sa tâche. Les Canadiens veulent la vérité, ils ont besoin de la vérité, ils ont le droit à la vérité. Chaque jour, de nouvelles questions surgissent», a affirmé aux Communes M. Ignatieff.

M. Harper a rétorqué que ce sont les fonctionnaires du ministère de la Justice qui révisent les documents en question avant d'être divulgués. Il a aussi affirmé que le juge Iacobucci aura accès à tous les documents et qu'il remettra au gouvernement un rapport qui sera rendu public.

«Indispensable»

Selon le chef du NPD, Jack Layton, une enquête publique est indispensable pour connaître le rôle exact des autorités canadiennes dans le transfert des détenus afghans qui auraient été torturés. «Nous avons besoin d'une enquête pour déterminer la vérité. Quel était le rôle des institutions canadiennes dans le transfert des détenus ? Quels sont les résultats de leurs décisions ? Est-ce qu'on a violé les lois internationales ? Alors nous avons beaucoup de questions et c'est essentiel d'avoir une enquête», a-t-il dit.

Dimanche, La Presse Canadienne a révélé que des agents du SCRS ont joué un rôle crucial dans les interrogatoires de combattants talibans capturés par les troupes de la coalition internationale en Afghanistan.

Les espions du SCRS ont travaillé de concert avec des agents de renseignement de la police militaire canadienne, alors que le conflit afghan a commencé à devenir impossible à maîtriser en 2006. Jusqu'à présent inconnu, le rôle qu'ont joué les agents du SCRS dans les interrogatoires de détenus ajoute une nouvelle dimension à la controverse provoquée par le traitement réservé aux prisonniers par les forces de sécurité afghanes.