Guy Roberge a laissé partir son fils Gaétan pour l'Afghanistan le 22 décembre dernier avec le coeur gros. Il le trouvait plus anxieux qu'à son habitude. Mauvais présage. Cinq jours plus tard, deux militaires et un prêtre frappaient à sa porte, le regard sombre, la mort sur les lèvres.

Vers 12h15, le 27 décembre, l'adjudant Gaétan Roberge et le sergent Gregory Kruse ont perdu la vie quand une bombe artisanale a explosé à quelques mètres d'eux alors qu'ils patrouillaient à pied le secteur de Panjwayi, à 25 km à l'ouest de Kandahar. Un policier et un interprète afghans sont aussi morts sur le coup.

 

Les Forces armées canadiennes déplorent donc maintenant 106 victimes depuis le début de la mission, en 2002. La période des Fêtes a été particulièrement difficile cette année alors que neuf Canadiens sont tombés pendant le seul mois de décembre. C'est neuf fois plus qu'en décembre 2007.

Gaétan Roberge en était à sa première mission en Afghanistan, mais il n'était pas une recrue. Natif du Québec, élevé en Ontario, il s'est enrôlé dans l'armée à 18 ans. «Il en rêvait dès la petite école», a raconté sa soeur cadette, Chantal, que La Presse a jointe hier à Sudbury. Gaétan a été parachutiste, a fait la Bosnie en 1982 et travaillé en Allemagne avant de se porter volontaire, il y a quelques mois, pour partir en Afghanistan. Il faisait partie du Royal 22e Régiment de Valcartier, mais il était basé à Petawawa, en Ontario, où il s'occupait depuis 2006 de former les soldats qui sont envoyés au front. «Il avait la mission à coeur et il voulait aller voir comment ça se passait vraiment là-bas pour mieux préparer ses gars», a expliqué son père.

«Je l'ai toujours encouragé parce que c'était vraiment ce qu'il voulait faire», a aussi insisté sa soeur.

Gaétan Roberge a quitté le Canada le 4 septembre et, après une courte visite au mois de décembre, il devait revenir définitivement au pays au printemps. Avant de repartir, la semaine dernière, il avait dit à son père que cette mission serait sa dernière. Un soulagement pour ses proches. «Il m'avait dit qu'il travaillait dans une zone très dangereuse et qu'il travaillait de nombreuses heures», laisse tomber son père. Mais Gaétan Roberge ne parlait jamais de la mort avec lui. «Il me disait toujours que cela n'arriverait pas.»

Gaétan Roberge laisse derrière lui sa femme et ses deux enfants, Natasha et Francis, âgés respectivement de 17 et 13 ans, ainsi que sa soeur et deux neveux. Guy Roberge les a tous accueillis chez lui, samedi. «C'est un choc pour tout le monde, a confié Chantal Roberge. Nous sommes une famille très unie. Maintenant, je suis fille unique.»

Une centaine de frères d'armes des deux soldats canadiens tués samedi se sont réunis hier pour une cérémonie funéraire à Kandahar. Les corps devraient être rapatriés dans les prochains jours.

La situation se dégrade

La mort des militaires Roberge et Kruse est le dernier d'une longue série de coups durs pour les Forces armées canadiennes. La veille, un autre soldat canadien, Michael Freeman, avait perdu la vie dans des circonstances similaires: l'explosion d'une bombe artisanale.

Quatre autres soldats canadiens et un interprète afghan ont aussi été blessés samedi dans un attentat contre une patrouille à pied.

Les prochains mois ne s'annoncent guère plus faciles pour les Forces armées canadiennes. Les experts s'entendent pour dire que le rythme des attaques des derniers jours devrait au mieux se maintenir, mais plus probablement augmenter.

«Des Américains vont arriver en grand nombre bientôt en Afghanistan. Comme chaque fois qu'il y a une rotation, ce sera une période fragile, et les insurgés essaieront d'en profiter pour déstabiliser les troupes en augmentant leurs actions», prévoit le spécialiste de l'Université de Montréal Rémi Landry.

Les dernières attaques, ajoute-t-il, démontrent que les troupes de la Coalition ne sont plus les seules cibles directement visées par les talibans. Gaétan Roberge et Gregory Kruse ont été tués alors qu'ils participaient à des activités de formation d'officiers de la police afghane. «Cette police est le maillon faible de la structure de sécurité de la Coalition et elle fera de plus en plus l'objet de frappes ennemies», dit M. Landry.

Le commandant de la force internationale de l'OTAN dans le sud de l'Afghanistan, où sont morts les derniers soldats canadiens, a d'ailleurs réclamé, hier, que la plupart des renforts prévus l'an prochain soient déployés dans cette région.

Avec l'Agence France-Presse