Un peu plus de la moitié des résidences privées pour aînés de la province ne possèdent aucun gicleur, révèle un décompte réalisé par La Presse à partir du Registre des résidences pour personnes âgées du Québec. Ainsi, 1052 établissements sur un total de 1953 ne sont protégés par aucun système de gicleurs, et 204 ne le sont que « partiellement », comme l'était la Résidence du Havre.

Dans la région de Montréal, 44% des 237 résidences privées pour aînés ne comptent aucun gicleur. Et 10% ne sont que partiellement couvertes.

Le président du Regroupement québécois des résidences pour aînés (RQRA), Yves Desjardins, a été surpris de voir que La Presse possédait ces données. «On demande depuis longtemps au ministère de la Sécurité publique de nous faire une compilation à ce sujet», dit M. Desjardins, qui n'est pas surpris par les résultats. «Si l'on considère le nombre de places par établissement, le pourcentage sera peut-être un peu différent», dit-il.

Pas de gicleurs au Québec

Contrairement à celles de  l'Ontario, les résidences privées pour personnes âgées du Québec ne sont pas obligées de posséder des gicleurs, confirme le président du comité de prévention de l'Association des chefs en sécurité incendie du Québec, André St-Hilaire. Une situation qui inquiète Québec depuis quelque temps.

Il y a un an, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Réjean Hébert, reconnaissait lui-même que l'absence de gicleurs dans plusieurs des 2000 résidences pour personnes âgées du Québec est préoccupante. «Faut-il attendre qu'on ait un drame avant d'implanter des règles claires?», disait-il à l'Assemblée nationale le 15 février 2013.

Au même moment, le ministre Hébert affirmait que son nouveau règlement sur la certification des résidences privées pour aînés, fraîchement adopté, prévoyait justement «la présence de gicleurs» dans ces établissements. Or, si la nouvelle certification oblige les propriétaires de résidences privées à «établir un plan de sécurité incendie» et insiste sur les mesures d'évacuation, il ne prescrit pas l'installation de gicleurs. M. Hébert était à l'extérieur du Québec, hier, et ne pouvait répondre à nos questions.

M. Desjardins reconnaît que les normes de sécurité incendie imposées par le gouvernement ne sont pas assez sévères. «On demande au gouvernement depuis longtemps que les systèmes de gicleurs automatiques soient obligatoires partout. Ça ne l'est toujours pas. Il faut changer la législation», estime

M. Desjardins.

La chef de la section prévention au Service de sécurité incendie de Montréal, Louise Desrosiers, mentionne que plusieurs critères sont analysés par la Régie du bâtiment du Québec quand vient le temps de déterminer si un établissement doit posséder des gicleurs ou non. La hauteur du bâtiment, le nombre de résidants et l'année de construction de la bâtisse sont entre autres considérés. Mais dans les faits, très peu de résidences privées pour aînés possèdent des gicleurs, constate La Presse.

Un comité

En point de presse hier après-midi, le ministre de la Sécurité publique, Stéphane Bergeron, a mentionné qu'un comité de travail avait été mis en place, notamment sur la question des gicleurs dans les résidences pour aînés. «Les travaux étaient en cours. Je ne peux pas aller plus loin», a-t-il déclaré.

La Résidence du Havre de L'Isle-Verte ne comptait pas de gicleurs dans toutes ses chambres. «Cette résidence répondait aux normes actuelles», a toutefois précisé M. Bergeron, tout en insistant sur le fait qu'il est trop tôt pour lier le nombre de gicleurs au drame.

Dirigeant à l'Association des chefs en sécurité incendie du Québec, Sylvain Dufresne estime qu'il est temps d'exiger la présence de gicleurs automatiques dans les résidences privées pour aînés. «Il y a des coroners dans le passé qui l'ont souligné. Il y a déjà beaucoup de travail qui se faisait sur le sujet, malheureusement trop tard», constate-t-il.

Qualifiant l'incendie de L'Isle-Verte de «drame», la ministre du Travail, Agnès Maltais, a promis que si les gicleurs sont ciblés «comme étant une cause de l'événement qui vient de se produire, ça va avoir un poids très lourd dans les échanges qui se font dans ce comité». 

«Cette tragédie-là nous oblige à réexaminer à peu près tout ce qui se fait en matière de sécurité», a ajouté Mme Maltais, aussi ministre responsable de la Régie du bâtiment. 

- Avec la collaboration de Thomas de Lorimier, Paul Journet et Charles Côté

Des systèmes peu répandus

PROVINCE DE QUÉBEC

En chiffres

En totalité: 597

Non: 1052

Partiellement: 204

Info manquante: 100

En pourcentage

En totalité: 31%

Non: 54%

Partiellement: 10%

Info manquante: 5%

RÉGION DE MONTRÉAL

En chiffres

En totalité: 107

Non: 104

Partiellement: 23

Info manquante: 3

En pourcentage

En totalité: 45%

Non: 44%

Partiellement: 10%

Info manquante: 1%

Données tirées du Registre des résidences privées pour aînés du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec