Voulant éviter à tout prix une commission d'enquête sur l'industrie de la construction, Jean Lavallée et Michel Arsenault voulaient se tourner vers leurs « amis au PQ ».

«Je n'ai pas volé l'argent du Fonds de solidarité», dit Lavallée

« S'ils veulent faire une enquête sur les syndicats, va falloir que tous les deux on s'assoie, pis parler à nos amis du PQ », lance Jean Lavallée, l'ancien président de la FTQ-Construction, à Michel Arsenault, le président sortant de la FTQ, dans une écoute électronique diffusée à la commission Charbonneau ce matin.

« Mon autre problème c'est ça là, ça l'air qui vont sortir de quoi avec le PQ », répond alors Arsenault.

« Faut pas que le PQ embarque dans ça. Si y'embarque dans ça, y vont s'faire ramasser eux autres aussi », dit Lavallée.

« Ben y sont mal pris en osti, parce qu'on a un deal avec Blanchet là », dit Arsenault.

Puis, avant de raccrocher, Michel Arsenault dit : « Le PQ ne touchera pas à ça... On va parler à Pauline ».

Questionné sur la nature du « deal » avec Claude Blanchet, l'ancien président du Fonds de solidarité et conjoint de la première ministre Pauline Marois, Lavallée a dit qu'il ne s'en souvenait plus. Il ne se souvient pas de l'avoir rencontré non plus.

ARCHIVES, La Presse

Michel Arsenault, ancien président de la FTQ.

L'écoute électronique présentée jusqu'à présent n'indique pas si Michel Arsenault a finalement parlé à Pauline Marois, alors chef de l'opposition. Si cette version des faits s'avérait, ses pressions auront été vaines, puisque le PQ a pris position en faveur de la tenue d'une commission d'enquête publique.

Quelques semaines plus tard, les policiers interceptent une autre conversation, cette fois entre Jean Lavallée et l'entrepreneur Normand Trudel, qui rappelons-le, a été arrêté en 2012 pour corruption. « Va falloir qu'on, qu'on s'parle avec le PQ pour pas faire en sorte (qu'il y ait une commission d'enquête) », dit Lavallée à Trudel. « J'pense pas le Parti Libéral en veut une enquête dans la construction. », ajoutera-t-il dans cet échange.

Lavallée affirme qu'il n'a finalement jamais rencontré des gens au PQ. « Ça ne s'est pas concrétisé », a-t-il dit à la commission.

Interrogé par le procureur Me Cainnech Lussiaà-Berdou, Jean Lavallée a aussi révélé que sa femme avait travaillé au PQ durant 10 ans, plus précisément au bureau du premier ministre. Il a aussi dit que la FIPOE, le syndicat des électriciens affilié à la FTQ que Lavallée a fondé et présidé, avait déjà assuré la sécurité durant des événements du PQ.





Réactions

Philippe Couillard, chef du PLQ : «C'est la responsabilité de Mme Marois de donner les explications, les éclaircissements. Ce qu'on a entendu c'est qu'il y a eu un deal, mais je pense que tout le monde au Québec veut savoir c'était quoi le deal. C'est à elle de répondre. Vous m'avez posé des questions sur les visites de la police à nos bureau. Est-ce que je me suis défilé ? Je suis venu répondre aux questions. C'est à elle de faire la même chose».

 

Lise Thériault, députée libérale, ancienne ministre du Travail: «Quand j'entends M. Arsenault dire qu'il a un deal avec Blanchet, je me demande sincèrement s'il n'a pas un moyen de pression indu sur la première ministre pour des choses qui ont été faites avec son mari, M. Blanchet. L'attitude du Parti québécois et de Mme Marois, depuis qu'ils sont au pouvoir, la manière dont ils ont géré les dossiers chaque fois que la FTQ construction était impliquée est assez claire. Ils ont toujours voulu garder leurs liens avec le Parti québécois et atténuer tout ce qui pouvait irriter la FTQ».

 

Bernard Drainville, ministre péquiste : «Ceux qui voudraient qu'on (le Parti québécois)  ne demande pas de commission, ils ont frappé un noeud. On l'a demandé pendant des centaines de périodes de questions, pendant trois ans. Et depuis qu'on est là, on a fait le ménage»

 

Michel Arsenault : joint hier, l'ancien président de la FTQ, n'a pas voulu donner de détails sur le «deal» qu'il avait conclu avec Claude Blanchet , le conjoint de Mme Marois pas plus que sur la conversation qu'il a soutenu avoir eu à ce sujet avec Mme Marois, des faits mis en lumière par l'écoute électronique à la commission Charbonneau, mardi. Dans ses échanges avec Johnny Lavallée alors à la tête de la FTQ construction, M. Arsenault indiquait qu'ils feraient des représentations pour convaincre le Parti québécois de ne pas réclamer de commission d'enquête sur la l'industrie de la construction. «Je vais réserver mes commentaires pour la Commission, si je suis appelé à témoigner» de soutenir M. Arsenault.

Pot-de-vin: Lavallée contredit Arsenault

Jean Lavallée a aussi lâché une petite bombe ce matin à la commission Charbonneau.

L'ancien président de la FTQ-Construction a déclaré que Michel Arsenault lui a déjà dit s'être fait offert un pot-de-vin de 300 000$ pour approuver un dossier. Une histoire que Michel Arsenault, le président sortant de la FTQ, nie depuis 2010.

En octobre 2010, La Presse révélait qu'un émissaire de l'entreprise de décontamination Carboneutre, liée à la mafia, avait rencontré Michel Arsenault en 2008 pour tenter d'obtenir un financement de 5 millions du Fonds de solidarité FTQ. Cette entreprise était notamment dirigée par Jocelyn Dupuis, de la FTQ-Construction.

Le dirigeant syndical Ken Peirera a déjà affirmé que Arsenault lui avait relaté cette rencontre, au cours de laquelle on lui aurait présenté une mallette contenant 300 000$.

«Je n'ai jamais eu d'offre de pot-de-vin de quelque nature que ce soit. Je n'ai jamais eu connaissance d'offres à des dirigeants de la FTQ. Je n'ai jamais, jamais eu d'offre de 300 000$ sur ma table (de la part d'un entrepreneur qui cherchait du financement) et je n'ai jamais dit à personne avoir reçu une telle offre», a répliqué M. Arsenault lors d'une conférence de presse en novembre 2010.

Ça ne vous a pas ennuyé de savoir que Michel Arsenault se soit fait offrir un pot-de-vin, a demandé, ce matin, l'avocat de la commission Me Cainnech Lussiaà-Berdou. «Si j'avais été présent, ça m'aurait dérangé, mais j'étais pas là», a répondu Lavallée.

Selon le témoignage de Lavallée, Michel Arsenault aurait été en « maudit » de s'être fait offrir de l'argent et ajouté « c'est clair que j'embarque pas dans ça».

La commission a par ailleurs cherché à savoir si Michel Arsenault aurait demandé à Lavallée de signer un affidavit pour nier cette histoire. Lavallée a répondu qu'il n'avait jamais signé un tel document.

Lavallée « frustré » de témoigner à la Commission

Le témoignage de Jean Lavallée en est à son quatrième jour. Après un départ plutôt lent et laborieux, les audiences sont entrées dans le vif du sujet aujourd'hui.

L'homme de 73 ans a cependant laissé entendre qu'il n'aimait pas l'exercice. « Je me sens frustré de passer devant cette commission », a-t-il dit. « Je passe pour un pas bon » et « je suis condamné d'avance », a-t-il ajouté.

« Je n'ai rien à me repprocher, j'ai travaillé comme un forcené durant 40 ans. »