L'absence du commissaire Roderick Macdonald aux audiences de la commission Charbonneau devient «intenable», croit Charles-Maxime Panaccio, vice-doyen de la faculté de droit civil de l'Université d'Ottawa.

Mais il s'agit d'un problème politique, et non juridique, soutient-il. Il est fort peu probable qu'on puisse utiliser son absence pour attaquer le rapport de la Commission.

M. Macdonald, l'un des trois commissaires, n'a assisté à aucune audience depuis le début des travaux. Titulaire de la chaire F. R. Scott en droit constitutionnel et en droit public de l'Université McGill, M. Macdonald souffre d'un cancer de la gorge. À la mi-novembre, 11 mois après le début des audiences, il n'avait travaillé que 160 heures, soit l'équivalent de quatre semaines à temps plein, essentiellement à de la recherche, chez lui, selon des documents obtenus par Radio-Canada en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

«C'est une situation qui ne peut durer éternellement», avait déclaré le ministre de la Justice, Bertrand St-Arnaud.

Selon nos sources, le Ministère cherche à savoir si l'absence de M. Macdonald pourrait poser un problème juridique, par exemple si une personne pourrait contester un blâme qui lui serait fait dans le rapport de la Commission sous prétexte qu'il est signé par un commissaire souvent absent.

Pas de problème direct

«Rien dans la loi sur les commissions d'enquête ou dans le statut de la commission elle-même ne permet de voir un problème direct ou évident pour cette situation. La loi permet que seulement deux des trois commissaires participent aux audiences», affirme le professeur Panaccio.

«À première vue, je ne vois pas une incapacité à signer le rapport ni pourquoi cela en affaiblirait les conclusions», renchérit l'ex-juge Suzanne Coupal.

Ils rappellent qu'un blâme nuit à la réputation de qui le reçoit, mais n'a pas de conséquences juridiques. «Ce n'est pas comme un jugement de culpabilité d'un tribunal. Les recours sont donc relativement limités», explique Mme Coupal.

«Pour faire annuler un blâme, il faudrait prouver un problème d'équité procédurale ou de justice naturelle», ajoute M. Panaccio. Il ne voit pas de lien entre l'absence du commissaire et ces deux possibles griefs.

Il reste que l'absence de M. Macdonald cause un malaise. En juin dernier, la juge France Charbonneau avait dit qu'il pourrait siéger en septembre. À la fin novembre, elle a indiqué qu'il collaborait «de plus en plus», à distance, à la Commission. Les travaux reprennent le 21 janvier.

«S'il ne revient pas, politiquement, ce sera intenable. Lui-même est sûrement conscient des problèmes que cela pose pour l'efficacité de la Commission. C'est décevant et un peu bizarre d'avoir un commissaire absent pendant les premiers mois des travaux», dit M. Panaccio.

Des expertises particulières

Il rappelle qu'on a nommé trois commissaires à l'expertise particulière. La présidente, France Charbonneau, a été procureure de la Couronne et a réussi à faire condamner des membres du crime organisé comme Maurice Boucher. Renaud Lachance, ex-vérificateur général, est habitué à examiner les contrats et les comptes publics. Et M. Macdonald devait apporter «une attitude plus universitaire», croit M. Panaccio.

Peu avant l'ouverture des travaux, M. Macdonald s'était inquiété des attentes démesurées que pourrait avoir le public. Une commission d'enquête doit de préférence servir à proposer des recommandations, avait-il écrit. Les commissions «les plus désastreuses», selon lui, sont celles qui fouillent le passé et examinent de possibles crimes. Elles risquent de se transformer en «chasse aux sorcières».

Si M. Macdonald est remplacé, cela ne risque pas non plus de compromettre la Commission, explique M. Panaccio. Un nouveau commissaire pourrait lire la transcription des audiences pour se mettre à jour. «Il arrive aussi qu'on change de juge au milieu d'un procès. On ne recommence pas le procès pour autant.»