L'entrevue accordée dimanche par l'ex-ministre Marc Bellemare à l'émission Tout le monde en parle ne fera pas partie de la preuve dont tiendra compte le juge Bastarache dans la préparation de son rapport, attendu pour la fin janvier 2011.

La commission a terminé jeudi, avec la déposition de l'ex-ministre péquiste Linda Goupil, sa série d'auditions de témoins. Elle reprendra ses travaux mardi et mercredi prochains pour les plaidoyers des parties.

Pour le procureur du premier ministre Jean Charest, Me André Ryan, cette participation, vue par plus de 1,5 million de personnes illustre la «pensée évolutive» de Me Bellemare. À quatre reprises dans son témoignage en août, M. Bellemare avait soutenu que le premier ministre Charest lui avait dit, le 2 septembre 2003, «Si Franco (Fava) te dit de les nommer, nomme-les».

Or, par la suite, la commission a constaté qu'un autre bailleur de fonds du PLQ, Charles Rondeau, jouait un rôle encore plus important que M. Fava et avait beaucoup plus de contacts avec le cabinet du premier ministre Charest.

Dans le cadre de l'entrevue avec Guy A. Lepage, la commande de Jean Charest ajoutait le nom de M. Rondeau. «Si Fava et Rondeau te disent de les nommer, nomme-les» a déclaré l'ancien ministre sur le plateau d'enregistrement.

Mais pour le commissaire Bastarache, ces propos ne sont pas admissibles en preuve. Il avait maintes fois demandé aux témoins de faire preuve de réserve dans leurs commentaires à l'extérieur des audiences. Des déclarations extérieures, des articles de journaux peuvent être soumis pour confronter un témoin, pour l'amener à préciser ce qu'il a dit, a-t-il reconnu. Dans ce cas, il serait impossible de contre-interroger Me Bellemare sur sa sortie de dimanche.

«Je ne crois pas qu'il soit utile de faire une entorse à nos règles pour cette transcription» a soutenu le commissaire Bastarache. «Cela illustre les dangers que j'ai essayé d'écarter en demandant aux témoins d'éviter de discuter à l'extérieur», a-t-il souligné. De la même manière, M. Bastarache a refusé le dépôt de la transcription de l'entrevue de la conjointe de Me Bellemare, qui avait dit à TVA qu'elle avait reçu de nombreux appels de Franco Fava qui voulait joindre son époux à la maison.

Auparavant, la ministre de la Justice de 1998 à 2001, Linda Goupil, était venue indiquer qu'elle ne consultait pas le premier ministre Lucien Bouchard pour la nomination des juges à la Cour du Québec.

L'ex-ministre péquiste fermait la marche - quelque 45 personnes auront témoigné depuis le 24 août sur les allégations de l'ex-ministre Marc Bellemare sur l'influence indue de bailleurs de fonds du PLQ sur la nomination des magistrats.

La Commission a constaté que le premier ministre Jean Charest était informé de la liste des candidats jugés aptes par un comité indépendant avant que le ministre de la Justice ne fasse une recommandation au Conseil des ministres. Ce n'était pas le cas sous les gouvernements péquistes de Lucien Bouchard et Bernard Landry, selon les témoignages de Linda Goupil et de Paul Bégin qui a comparu la semaine dernière.

Lucien Bouchard était trop respectueux de l'indépendance de la magistrature pour s'immiscer dans le processus de sélection, a-t-elle dit. Selon elle, le ministre de la Justice a la prérogative exclusive pour ces nominations, ce qui assure l'indépendance du judiciaire et de l'exécutif.

Pour Mme Goupil, le commissaire Bastarache devrait explicitement préciser dans son rapport que ces nominations de magistrats «demeurent la responsabilité unique du ministre de la Justice, indépendamment des gouvernements. C'est de cette façon qu'on peut préserver l'indépendance du système judiciaire» a-t-elle souligné.

«Il est important qu'on puisse rassurer la population sur la qualité de la magistrature», a insisté Mme Goupil.