Dans un bouquin de biologie du comportement intitulé Les souris gloussent, les chauves-souris chantent, j’ai trouvé un exemple du peuple à plume qui me rappelle un peu ce qui s’est passé dans la circonscription de Jean-Talon le 2 octobre.

Chez le cardinal à tête noire, un petit oiseau d’Amérique du Nord, les deux parents se relaient pour couver les œufs et s’occuper des petits. Mais, si le mâle qui bourlingue dans le bois tarde à revenir faire son shift, la femelle improviserait une mélodie pour lui faire croire qu’un rival est entré dans son territoire. Une missive qui pousse le vagabond à revenir illico presto protéger ses acquis territoriaux. Une fois sur place, il réalise alors qu’il a bien plus des œufs à couver qu’un adversaire à défier.

À cause de l’affection populaire à son égard qui semblait inébranlable, comme le mâle du cardinal à tête noire qui ne répond plus aux messages de sa partenaire, François Legault était devenu trop à l’aise. Or, en amour et même en amitié, lorsqu’on commence à considérer l’autre comme acquis, la séparation n’est jamais loin. C’est de cette façon que François s’est retrouvé complètement ébranlé par la défaite dans Jean-Talon.

Cette salve qui semble annoncer la fin de sa très longue lune de miel avec le vote francophone a fait mal. La peine d’amour et l’anxiété d’exclusion l’ont même amené à ressusciter le troisième lien sur un coup de tête.

Un projet que Geneviève Guilbault avait pourtant cavalièrement enterré avec des arguments béton.

Pourtant, au-delà de l’abandon de cette grande promesse électorale, c’est la crise de confiance envers la parole du premier ministre qui a surtout fait mal. La confiance, dit la sagesse populaire, c’est comme un château de sable : elle est difficile à construire, mais très facile à détruire.

Cependant, pour obtenir un portrait plus large du mécontentement qui a mené à ce que certains appellent le Jean-Talon d’Achille de François Legault, à l’effet du troisième lien, il faut ajouter la part de l’inflation, du coût de la vie, de la crise du logement, des nombreux problèmes dans le système d’éducation et celui de la santé, des tensions avec les syndicats et même le cas de Joëlle Boutin causant de cynisme en politique à La joute après avoir abandonné ses électeurs de Jean-Talon en début de mandat.

Pour compléter le portrait, il faut aussi ajouter l’efficacité de la machine électorale péquiste, la qualité de son candidat et la place que Paul St-Pierre Plamondon (PSPP) occupe désormais dans le cœur de beaucoup de Québécois.

Oui, il y a chez PSPP un mélange d’intelligence, de gentillesse et de fragilité qui attendrit et séduit même les plus convaincus des fédéralistes.

Cette force de frappe, François Legault ne la voyait pas arriver lorsque, gonflé à bloc pendant la dernière campagne électorale, il déclarait jovialement à Rivière-du-Loup : « On y donne une bonne ride à notre ami Pascal, là ? Il va être surpris. » En planifiant d’assener le coup fatal à celui qu’il considérait comme le dernier symbole d’un souverainisme sur le respirateur artificiel, il n’entrevoyait certainement pas cette résurrection du PQ qui a fait pleurer de joie le même Pascal Bérubé lundi soir.

Lorsque le premier ministre Legault a aussi déclaré en Chambre, de façon réductrice, que PSPP devait son élection au vol de dépliants de la candidate solidaire dans la circonscription de Camille-Laurin, il ne voyait pas arriver cette soirée du 2 octobre.

François Legault s’est fait jouer un tour par les voies impénétrables de la politique qui forcent à réapprendre ce devoir d’humilité qu’il répète souvent à son caucus.

Je crois aussi qu’il a commis une gaffe en trompant avantageusement les électeurs avec une si grosse promesse. En agissant de la sorte, il est tombé dans ces mystifications électoralistes qui érodent la confiance envers les institutions, nourrissent le cynisme et mènent les démocraties libérales au bord du gouffre. Pourquoi ce revirement spectaculaire sur le troisième lien ? J’ai l’impression que l’incapacité d’encaisser la moindre ostensible déception des Québécois francophones à son égard a quelque chose à voir avec cette décision précipitée de François Legault.

Peut-être que la résurrection du troisième lien, qui deviendra peut-être le troisième pont, doit aussi à cette petite lumière nommée Poilievre qui scintille à l’horizon. Dans tous les cas, déterrer ce projet le lendemain de cette défaite, c’est réveiller un zombie qui risque rapidement de revenir hanter la CAQ. En effet, si l’idée fait applaudir les députés de la capitale nationale et de la Rive-Sud, toujours dans la région de Québec, elle finira par écœurer dans l’autre partie du caucus qui n’y voit que des épisodes de turbulences, d’incohérence et de décrédibilisation médiatique à venir.

Chose certaine, la boîte de Pandore est ouverte et la décision du chef est sans appel. Toutes les options, dit-il, sont sur la table pour rebâtir les ponts et les liens entre la CAQ et les électeurs du territoire Québec-Bellechasse. Comme le mâle cardinal à qui la sourde oreille a coûté sa place, depuis quelques années, les chansons à répondre de la capitale nationale ne semblaient plus trouver écho auprès de la très dominante Coalition avenir Québec. Elle ne jugeait plus nécessaire de revenir protéger ses acquis territoriaux.

Or, cette fois-ci, la missive que François Legault pensait être une mélodie trompeuse s’est transformée en parade de substitution dans une circonscription qui était encore sur Tinder. Pour combien de temps ? À suivre.