« C’est chaud, c’est chaud, mais j’ai eu le temps de compter avec mon œil de… ! » Ainsi disait Normand Brathwaite avant d’attribuer son piquant trophée de la célèbre émission humoristique Piment fort. Une simple nostalgie m’a donc poussé à choisir le titre de cette chronique sur fond de canicule.

Parlant de comédie, permettez-moi d’ironiser un peu sur les changements climatiques, si sérieux soient-ils. C’est la manière de chasser les oiseaux du désespoir qui essayent de nicher dans ma tête lorsque la crise climatique s’invite dans l’actualité. Cette dédramatisation par l’ironie est aussi une douce façon de rappeler aux imperturbables climatosceptiques qu’ils vivent sur une autre planète.

En cause, pendant qu’ils s’emmurent dans leur nihilisme, le thermomètre grimpe, le niveau des mers augmente et la banquise disparaît à une vitesse si élevée dans le Nord que les ours blancs sont passés de polaires à bipolaires.

Au Québec, si la tendance se maintient, avec les grandes marées d’automne, bientôt nous allons fréquenter les phares le long du fleuve Saint-Laurent non pas pour voir les bateaux naviguer, mais pour regarder les chalets dériver.

Je vous prédis même que les familles Laberge, Durivage, Bordeleau et Bellerive sont désormais menacées de disparition. Un choix s’offre à eux : rejoindre la famille Therrien ou aller chez les Plouffe. N’en déplaise aux sceptiques, le réchauffement climatique est une grande vérité qui a été rapportée par des milliers de scientifiques à travers la planète. Alors, entre ces savants qui lèvent le drapeau rouge et le défait président américain qui arbore le toupet orange et fait l’apologie du charbon, ils devront choisir.

Bon, j’arrête ici la bouffonnerie, car sur ce sujet, il y a certainement plus à pleurer qu’à rire. Lorsqu’on entend, par exemple, le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre, faire de l’abolition de la taxe sur le carbone un projet de société, difficile de ne pas avoir de vagues à l’âme. Que ne ferait-on pas pour racoler les dinosaures de la cause environnementale et autres complotistes qui confondent climat et météo ? Pourtant, la base de données Copernicus est catégorique, l’été que nous venons de passer est probablement le plus chaud depuis 120 000 ans.

Pendant que les températures grimpent, les politiciens parlementent et le capitalisme garde le cap du toujours plus gros. Ainsi va cette utopie systémique qui impose une croissance illimitée sur une planète aux ressources limitées. Comment faire reculer un véhicule sur lequel la marche arrière n’a pas été prévue ? C’est la question que se pose l’écologiste Pierre Jouventin pour parler de ce grand dilemme auquel l’humanité fait face.

Parce que la croissance économique demeure la principale porte d’accès au succès électoral, le néolibéralisme est devenu ce Titanic économique qui navigue vers la surchauffe et finira inévitablement par heurter son iceberg.

Si on veut éviter d’arriver à ce que le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, a qualifié cette semaine de début d’un effondrement climatique, la remise en question du toujours plus gros, plus riche et plus populeux est incontournable. Les feux, les tempêtes, les sécheresses et les inondations sont autant de salves annonciatrices de cette revanche de Gaïa en marche.

La canicule inhabituelle qui a malmené les élèves dans nos écoles cette semaine fait partie des symptômes. Devant ces journées de grande sudation, le verdict populaire penche en faveur de la nécessité de s’adapter plutôt que de fermer les classes.

À tort ou à raison ? Chose certaine, il est plus facile de dire aux enfants et aux enseignantes de composer avec ces températures extrêmes quand on commente l’actualité à la télé, confortablement assis dans un lieu climatisé. Pendant que les esprits de certains éditorialistes s’échauffent, je propose ici de parler d’acclimatation plutôt que d’adaptation. Pourquoi ? Parce que l’acclimatation est un mode de survie qui permet plus rapidement à un être vivant de composer avec de telles variations. En biologie, on ne parle d’adaptation que lorsque les changements qui se sont opérés sur une très longue durée s’inscrivent dans les gènes et deviennent héréditaires.

Pour revenir à l’ironie, disons que le jour où nous serons vraiment adaptés à ces chaleurs extrêmes, un peu comme les ordinateurs, nos bébés vont venir au monde avec de petits ventilateurs intégrés, gracieuseté de leur ADN.

En attendant cette impossibilité, n’allez pas croire que de lâcher un vent en canicule est une bonne idée. Car même si ça jettera assurément un froid autour de vous, vos gaz restent à effet de serre et feront grimper votre empreinte de carbone. Pour la même raison, passer une journée de canicule sous l’air climatisé du centre commercial ne fait pas de vous un réfugié climatique. Désolé, j’ai essayé de chasser le naturiste comique, mais il est revenu dans mon bungalow.

Plus sérieusement, je disais donc que face à ces nouvelles réalités d’origine anthropique, il faudrait s’acclimater, mais surtout s’attaquer vigoureusement aux causes du problème pour le bien des générations à venir qui risquent d’affronter le cœur de la tempête. Le défi est de taille, car il est impossible à réaliser sans sacrifices. Nous savons tous qu’on ne pourra jamais faire la différence sans s’imposer des restrictions de confort et peut-être même de droits individuels et collectifs. Comme disait le prédicateur et écrivain français Bossuet : « Dieu rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent la cause. »