Charles Emond, PDG de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), ne le cache pas. La veille de l’inauguration du REM, il avouait éprouver un mélange d’émotions, entre le bon trac et l’enthousiasme que l’on peut ressentir lors d’une première. Après cinq années marquées de défis de toutes sortes et ponctuées de nombreux écueils, le projet le plus ambitieux jamais lancé par la Caisse allait enfin démarrer pour vrai.

On l’attendait pour l’été 2020, mais le premier tronçon du réseau du REM a finalement été inauguré vendredi, un retard que le PDG de la Caisse assume pleinement.

À titre de président du conseil de CDPQ Infra, la division créée par la Caisse pour assurer la conception et la construction du Réseau express métropolitain, Charles Emond a suivi de façon assidue l’évolution du projet et de façon plus intensive encore au cours des derniers mois.

« Il s’agit d’un projet historique qui a été fait dans un contexte hors norme alors qu’on a travaillé durant la moitié des cinq années en pandémie. Il y a eu la fermeture complète du chantier durant deux mois, la reprise graduelle avec des contraintes importantes d’approvisionnement.

« Les restrictions de voyage qui ont empêché des experts de venir sur le site… Cinq ans, c’est un délai extrêmement rapide. À Hawaii, cela leur a pris 12 ans pour réaliser un projet de train aérien de 17 kilomètres », souligne le PDG de la Caisse.

Le REM, on le sait, deviendra à terme la plus grande ligne de train automatisée au monde avec ses 67 kilomètres de voies aériennes.

Tout au long du parcours, des épreuves se sont dressées, comme les entraves du chantier du tunnel sous le mont Royal qui a été stoppé durant quatre mois parce qu’on y a découvert des explosifs.

Au chapitre des coûts, le projet du REM n’a pas été en mesure de respecter le budget de départ qui prévoyait une facture totale de 5,5 milliards, qui a rapidement été revue à 6,3 milliards.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Charles Emond, PDG de la Caisse de dépôt et placement du Québec

C’était le budget à la conception du projet. En partant, il y a eu des modifications importantes comme l’ajout de trois stations et le coût des matériaux qui a aussi subi des hausses de prix imprévues en raison des difficultés d’approvisionnement.

Charles Emond, PDG de la Caisse de dépôt et placement du Québec

« On va produire très bientôt une mise à jour complète des coûts pour l’ensemble du projet », avance Charles Emond, qui évoque une dernière estimation à près de 7 milliards.

La CDPQ a pris le risque sur le coût total du projet et de l’achalandage, et c’est l’institution qui va absorber les dépassements.

« Notre thèse d’investissement d’un rendement de 8 % tient toujours. Une fois que le réseau sera achevé en 2024, on l’atteindra dans les cinq années suivantes. C’est un investissement de long terme, sur 100 ans », précise le PDG de la Caisse.

L’avenir de CDPQ Infra

Maintenant que la première phase du REM est pleinement en activité, CDPQ Infra s’activera à terminer d’ici 2024 les deux prochaines lignes vers l’Ouest-de-l’Île et Deux-Montagnes, au nord.

Les 150 employés de CDPQ Infra ne chômeront pas une fois le REM terminé. La Caisse de dépôt souhaite lancer d’autres projets d’infrastructures publiques au Québec et dans le reste du pays.

Déjà, CDPQ Infra planche sur le prolongement du REM sur la Rive-Sud et vient d’être retenue dans l’appel d’offres en vue de la construction d’un prochain train à grande vitesse ou à grande fréquence entre Québec et Toronto.

La Caisse pourrait arriver avec une proposition hybride qui comporterait un volet à grande fréquence avec des arrêts à certaines stations et un autre où le train pourrait filer à très grande vitesse.

« On a développé une expertise en infrastructures publiques qui va servir à remplir notre mandat de développement économique au Québec, mais que l’on pourra exporter ailleurs en Amérique du Nord. On va aussi utiliser CDPQ Infra dans l’immobilier pour la transformation de l’hôpital Royal Victoria en résidences pour étudiants », anticipe Charles Emond.

Le PDG de la Caisse ne prévoit pas pour autant utiliser le REM comme vitrine pour exporter le concept québécois partout dans le monde, comme le projet initial le prévoyait. Il préfère utiliser le savoir-faire de la nouvelle division dans ses projets québécois.

Avec ses 60 milliards d’actifs en infrastructures, la Caisse est le plus grand investisseur au monde dans cette catégorie de placements qui représente 15 % de ses 400 milliards d’actifs sous gestion.

La première phase du Réseau express métropolitain entre Brossard et le centre-ville de Montréal a déjà généré des investissements immobiliers de près de 5 milliards sur la Rive-Sud qui vont profiter à la Caisse grâce à la captation de la plus-value foncière.

Est-ce que la Caisse, qui a toujours été un investisseur discret dont le mandat premier est de faire fructifier l’épargne retraite des Québécois, est à l’aise de se retrouver constamment dans l’œil du public à titre d’exploitant du REM ?

« C’est sûr que d’être dans l’exploitation d’un système de transports en commun, ça amène une nouvelle dynamique, mais les gens savent que ce n’est pas nous qui sommes responsables des opérations quotidiennes, ce sont nos partenaires Alstom et SNC-Lavalin qui s’occupent de tous les aspects opérationnels.

« Nous, notre mandat, c’était d’arriver avec un système fiable, fréquent et rapide. Les Québécois qui vont l’utiliser vont faire fructifier leur retraite tout en réduisant dans cinq ans l’émission de 100 000 tonnes de gaz à effet de serre par année », estime Charles Emond.