Je veux revenir sur ma chronique d’il y a une semaine sur la voiture électrique qui est formidable, mais pas tout le temps. Par exemple, quand il s’agit de faire de longs trajets1.

Mais avant, je veux vous parler du titre de la chronique.

Je dois vous dire qu’un de mes talents dans la vie, c’est le titre. Je ne sais pas si je fais de bonnes chroniques, mais je suis sûr que j’ai le sens du titre.

Dimanche dernier, pas tellement. J’ai bûché et j’ai bûché, pour accoucher de ces mots mornes qui m’ont fait légèrement honte, pour lesquels je vous présente mes excuses : « L’auto électrique, c’est (parfois) formidable ».

Et là, à 8 h 01, ce dimanche-là, j’ai lu le message de M. Clément Lalancette comme on reçoit une gifle : « Une suggestion de titre pour votre chronique : Borne in the USA… »

Le fan de Springsteen en moi s’est empourpré et le redoutable titreur que je suis a rencontré sa modestie. Borne in the USA, avec le « e » pour borne électrique, qui rappelle la chanson Born in the USA de Springsteen : du pur génie.

Mais pas le mien, malheureusement.

Sinon, vous avez été nombreux à me dire que Tesla est formidable pour la batterie, plus performante que la moyenne des chars électriques. Et pour son réseau de bornes de recharge, hyperrapide, semble-t-il, et bien organisé, aux US of A.

C’est noté pour mon prochain char, mesdames et messieurs. Même si je les trouve un peu laids.

Par ailleurs, un million d’amis de notre Mère la Terre m’ont aussi écrit pour me faire le reproche que j’allais décourager mes semblables, avec cette chronique. Que j’allais retarder la transition écologique, ou je ne sais pas quoi…

Bon, réglons tout de suite une chose : si vous voulez acheter un char électrique, achetez un char électrique. Personnellement, je l’ai déjà dit, je pense que nous sommes foutus, côté climat. Je me garde de le dire trop souvent, pour ne pas nuire à ceux qui se battent pour empêcher le climat de nous étouffer. Mais c’est pas le moteur de nos chars, le problème, c’est notre mode de vie.

Non, mon virage électrique est surtout affaire de haine : j’haïs les pétrolières.

LE POINT-VIRGULE — J’aimerais saluer le monsieur qui, au gym, m’a félicité parce que j’utilise très peu de points-virgules dans mes chroniques.

J’avais hâte que quelqu’un le remarque.

L’ÉCOLE, ENCORE — Sur l’école, vous partagez mon exaspération. Merci, ça fait du bien. Vous avez été nombreux à m’écrire. Je me sens moins seul. Mais pas aussi seul que les cent profs qui m’ont écrit après ma chronique de mercredi2.

Une prof de secondaire V : « C’est réellement une catastrophe dans nos classes. Ils ne maîtrisent pas les notions de secondaire I. J’ai un élève qui fait une faute aux deux mots. Sur 35 élèves, j’en ai 16 avec des plans d’intervention, et aucun soutien pédagogique. »

Cent messages du même genre, d’enseignantes du primaire et du secondaire. Et par un sinistre hasard, le jour où la chronique est sortie, Daphné Dion-Viens du Journal de Québec publiait cette nouvelle3 : la Fédération des centres de services scolaires suggérait d’ajouter deux élèves par classe pour contrer la pénurie de profs…

Il y a déjà trop d’élèves dans les classes. Avec les élèves en difficulté qui sont largués dans les classes régulières sans le soutien pédagogique nécessaire, c’est déjà monter l’Everest en gougounes, pour les profs.

Et que suggère l’organisme regroupant les centres de services scolaires ?

D’ajouter des élèves dans les classes ! Suffisait d’y penser !

Bien sûr, le ministre Bernard Drainville a rejeté l’idée de cette gang de chandelles éteintes qui se croient phares halogènes, mais quand même, ça donne une idée de la médiocrité qui règne chez les leaders du monde de l’éducation.

En même temps, dans la logique des centres de services scolaires, c’est parfaitement cohérent : ils vont baisser la barre encore plus, faire encore plus de pression sur les directions d’école pour que les notes soient maquillées et, boum, monsieur le ministre, tout va bien…

C’était par ailleurs très drôle de voir le nouveau ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, dire qu’il avait de la difficulté à avoir des données fiables en temps opportun. Rappelle-toi, Bernard : pas de données, pas de problèmes. C’est pour ça que ton ministère et les commis…, oups, que les centres de services scolaires ne font pas une fixation sur les données.

C’est pour cacher l’ampleur des problèmes.

Ce qui me fait penser au message d’une autre prof : « J’enseigne au premier cycle du primaire, et depuis plusieurs années, on nous dit qu’en lecture, si un élève n’arrive pas à lire, mais qu’il comprend ce que je lui lis, ben, il réussit en lecture ! »

Un jour, je vous le jure, le ministère de l’Éducation et les centres de services scolaires vont évaluer le français des élèves à partir de dessins de dinosaures.

Le Québec : l’endroit où on va tous mourir oubliés dans un corridor d’urgence et où il y aura des fautes sur nos certificats de décès.

TÉLÉPHONE PUBLIC — L’autre jour, dans mon quartier, j’attendais au feu rouge. Sur le trottoir, une femme avec une tuque brune s’arrête devant un symbole d’un autre temps : une cabine téléphonique.

J’ai beau passer par là chaque jour, en char, à vélo ou avec mon poney blanc, je ne remarque plus la cabine de Bell Téléphone, à l’orée du parc.

Et là, la femme avec la tuque brune est entrée dans la cabine téléphonique.

Je n’avais pas vu ça depuis 10 ans, je pense : un humain qui entre dans une cabine téléphonique. Je l’ai observée, curieux. Je me suis demandé pourquoi elle utilisait la cabine téléphonique. N’a-t-elle pas un cellulaire, comme nous tous ? Voulait-elle dire à son amant(e) qu’elle s’en venait, sans laisser de traces ? S’agissait-il d’une espionne russe qui laissait un message codé dans le bottin téléphonique ?

(Les bottins de téléphone existent-ils encore ?)

Mais à peine deux secondes après y être entrée, la femme à la tuque brune est ressortie de la cabine téléphonique, cigarette au bec. Elle était entrée dans la cabine téléphonique uniquement pour allumer sa clope à l’abri du vent.

La femme à la tuque brune s’en est allée, radieuse, en prenant une première poffe.

Le feu, lui, a viré au vert.

1. Lisez la chronique « L’auto électrique, c’est (parfois) formidable » 2. Lisez la chronique « Nos écoles médiocres » 3. Lisez l’article « Deux élèves de plus par classe pour contrer la pénurie de profs » sur le site du Journal de Québec