Vendredi, Patrick Lagacé1 a écrit un message pour sa gang. Une chronique pour les gens de bonne foi, pour l’immense majorité des Québécois qui font tout pour en finir avec cette pandémie. Et qui en ont ras le bol.

J’ai envie de m’adresser à l’autre gang. Celle qui use et abuse de sophismes pour dénoncer le soi-disant autoritarisme du gouvernement. Au moment où la vague Omicron menace de nous engloutir, cette gang-là ne fait plus seulement retarder le groupe, elle met des vies en danger.

Prenez Maxime Bernier. Réagissant au point de presse du premier ministre, jeudi, il a écrit ceci sur Twitter : « On s’en c*isse de vos nouvelles consignes sanitaires incohérentes et non scientifiques, François Legault. Les Québécois sont à bout. Arrêtez votre power trip. »

Avouez que c’est chic, de la part d’un politicien qui aspire à diriger un jour les destinées du Canada.

Quelques jours plus tôt, Maxime Bernier avait écrit : « Autant les vaccinés que les non vaccinés peuvent propager le virus. » En principe, il n’avait pas tort. Ça ne veut pas dire qu’il avait raison, non plus.

Il y avait une fausse équivalence, dans ce tweet, que les internautes se sont amusés à mettre en lumière.

« Autant Serena Williams que moi pouvons jouer au tennis », a fait remarquer quelqu’un.

« Autant Keith Richards que moi pouvons jouer de la guitare », a souligné un autre.

« Autant Jeff Bezos que moi avons de l’argent », a renchéri un troisième.

Vous comprenez le principe. Même vacciné, on peut transmettre la COVID-19. Mais on réduit les risques de le faire. Et de tomber gravement malade.

Au palais de Westminster, cette semaine, un député a demandé à l’administrateur en chef de la Santé publique de l’Angleterre, Chris Whitty, pourquoi on devait prioriser la COVID-19 sur, disons, le cancer.

La réponse a fusé : ceux qui demandent ça ne comprennent rien au système de santé. Ou alors, c’est de la pure mauvaise foi…

Le DWhitty a rappelé que c’est la COVID-19 qui menace la capacité du réseau à soigner les cancers, et non pas les mesures prises pour casser la vague. Sans ces mesures, le réseau s’écroulerait. En faire la source du problème, c’est une « inversion complète de la réalité ».

Sur les 95 Montréalais alors infectés par Omicron, 90 % étaient doublement vaccinés, a annoncé mercredi la directrice régionale de santé publique, la Dre Mylène Drouin.

Réaction d’Éric Duhaime, chef du Parti conservateur du Québec, sur Twitter : « Comme au Danemark, le variant Omicron semble s’attaquer davantage aux double-vaccinés. Pourquoi alors continuer de discriminer les non-vaccinés et exiger un passeport vaccinal ??? »

Voilà un autre bel exemple d’inversion de la réalité. Omicron ne s’attaque pas « davantage » aux doublement vaccinés. La faille logique, ici, vient du fait qu’il manque une variable cruciale dans l’équation : près de 90 % des Québécois ont reçu deux doses.

Admettons que 50 % des automobilistes tués dans des accidents de la route avaient bouclé leur ceinture de sécurité. Est-ce que ça voudrait dire qu’on a autant de risques de mourir, qu’on boucle ou non ladite ceinture ?

Eh non. Ça voudrait juste dire que, de nos jours, la très grande majorité des gens la portent, cette ceinture. Les rares qui ne la portent pas risquent bien davantage de se retrouver à la morgue. Maths 101.

Il est vrai qu’Omicron a changé la donne. Et malheureusement pas pour le mieux.

Ce variant réduit considérablement l’efficacité du vaccin. À 33 % (contre 80 % pour le variant Delta), selon une étude sud-africaine publiée mardi. D’autres études préliminaires sont encore plus pessimistes.

Selon l’étude sud-africaine, le vaccin prévient 70 % des hospitalisations liées à Omicron, alors qu’il était efficace à 93 % contre les formes graves de la maladie.

Doit-on en conclure qu’on a fait tous ces efforts en vain ? Qu’on est de retour à la case départ ? Que cette campagne de vaccination massive n’aura servi à rien ?

Surtout pas. On ne peut surtout pas prétendre qu’un vaccin qui prévient encore 70 % des hospitalisations ne sert à rien. Il continue à protéger. Et à sauver des vies.

Voici une autre acrobatie mentale, devenue un véritable classique depuis le début de la pandémie : « C’est comme une grosse grippe. » On le dit encore, pour Omicron. Ce n’est pas grave. C’est comme une grosse grippe.

Mais non. Ceci n’est pas une grippe.

Au sujet d’Omicron, les experts restent prudents. Les premières études tendent à montrer qu’il pourrait effectivement être moins virulent que le Delta.

En Norvège, 80 des 111 convives ont contracté Omicron dans un restaurant d’Oslo. Tous étaient doublement vaccinés. Tous ont eu des symptômes légers : toux, léthargie, maux de tête, maux de gorge.

Ça ne prouve pas pour autant que c’est « comme une grippe ».

Ce que ça prouve, c’est la propagation fulgurante d’Omicron. En Afrique du Sud, il se transmet deux fois plus vite que Delta. Au Danemark, le nombre de cas double tous les deux jours. Au Royaume-Uni, le premier ministre, Boris Johnson, parle d’un raz-de-marée.

La vague se rapproche. Elle va bientôt frapper. Si on ne réduit pas nos contacts, ça ne va pas bien aller.

Et même si Omicron se révèle moins virulent, le virus infectera tellement de monde que même une petite proportion de cas graves risque de submerger les hôpitaux.

Maths 101, une fois de plus.

« J’ai besoin de vous autres », a dit François Legault, jeudi soir.

Il a besoin de nous autres, parce que ce variant représente une menace urgente et collective. On n’en sortira pas en l’ignorant ou en faisant comme si nos dirigeants prenaient un plaisir pervers à restreindre nos libertés.

Il me semble pourtant que c’était clair, jeudi : il faut arrêter les conneries. L’ennemi, c’est le virus.

Il faut croire que non, ce n’était pas si clair. Sur les ondes de Radio X, vendredi, c’était business as usual. Jeff Fillion a dénoncé la « folie » du gouvernement. Éric Duhaime s’est désolé de la distribution massive de tests rapides, puisqu’on « va détecter plus de monde, c’est sûr ».

Comment dire…

Ces gens-là, très écoutés, peuvent encore changer la donne. Ils ont une responsabilité pour la suite des choses. Ils ont encore un peu de temps pour dire à leurs fidèles auditeurs de se mettre à l’abri. Très peu de temps.

1Lisez la chronique de Patrick Lagacé