L’avenir de la lutte contre les incendies de forêt passera « par l’intelligence artificielle et les drones autonomes », affirme une équipe de recherche de l’Université Concordia qui vient de mettre sur pied un système entièrement automatisé, équipé de drones, pour détecter les brasiers et tenter de les maîtriser plus rapidement.

« On voulait proposer une solution intelligente qui serait capable de détecter, mais aussi de combattre efficacement les incendies de forêt », explique Youmin Zhang, professeur au département de génie mécanique, industriel et aérospatial de Concordia, en entrevue avec La Presse.

Son projet, publié il y a quelques jours dans la revue scientifique IEEE Transactions on Industrial Electronics, repose à l’origine « sur des images aériennes captées au moyen de caméras classiques et infrarouges à partir de drones », poursuit le chercheur.

Le système est composé de plusieurs modules. Le principal, appelé « Attention Gate U-Net », permet d’effectuer une analyse très précise d’une image, par exemple de la fumée ou des flammes, pour ensuite communiquer l’information à un réseau d’analyse dit « neuronal » qui évolue et apprend par lui-même.

C’est ce dernier qui peut ensuite géolocaliser des drones installés à proximité et les envoyer sur les lieux du brasier en un temps record pour prendre des photos plus claires de la situation.

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Une image satellite des incendies de forêt à l’ouest de Normétal, en Abitibi-Témiscamingue, en juin 2023

Puissant algorithme

Les chercheurs utilisent pour ce faire un algorithme de type « monoculaire de géolocalisation et de cartographie simultanées » (SLAM), qui est de plus en plus utilisé dans le monde de l’intelligence artificielle (IA) pour cartographier en temps réel l’environnement perçu par une caméra.

À terme, c’est ce qui permettrait notamment de prédire l’étendue des incendies « à partir de plusieurs éléments comme le vent, l’ampleur des flammes, la topographie ou encore la chaleur », voire de déterminer les lieux exacts où les incendies commencent, dit M. Zheng.

Toutes ces images sont ultimement regroupées dans une « matrice de transformation » qui effectue alors un tri entre les détections trompeuses et les réels incendies de forêt en activité. L’information peut alors être transmise aux autorités en direct, avec tous les autres détails collectés durant le processus.

Idéalement, l’ensemble reposerait au maximum sur des caméras infrarouges qui, contrairement aux caméras dites classiques, peuvent détecter la chaleur et le rayonnement dégagés par les incendies qui débutent sous le sol.

« On fait beaucoup de tests »

Pour l’instant, le système est encore relativement jeune « et devra acquérir plus de maturité » avant de pouvoir être utilisé par des organisations comme la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU) au Québec, confie le chercheur.

« En ce moment, on fait beaucoup de tests à plus petite échelle. On espère pouvoir implanter ça à plus grande échelle d’ici environ cinq ans, au fur et à mesure que la recherche, mais aussi la capacité informatique, progresse », évoque M. Zhang.

Sur le fond, ajoute-t-il toutefois, les atouts de l’IA pour lutter contre des phénomènes comme des incendies de forêt « doivent être explorés davantage », l’erreur humaine étant normale et régulière, « d’autant plus que la plupart du temps, il faut que les humains dorment la nuit », rigole le spécialiste.

Une saison précoce

Dès le début du mois d’avril, la SOPFEU avait prévenu que la saison des incendies de forêt connaissait un début particulièrement hâtif au Québec, en évoquant une situation « préoccupante » qui devrait à tout le moins inciter à une très grande vigilance. C’est que le mois de mars a été particulièrement chaud, beaucoup plus qu’à l’habitude, pendant que les précipitations ont été plutôt faibles durant la saison hivernale. Ensemble, les facteurs météo combinés sont particulièrement propices à la prolifération des incendies de forêt, ont prévenu des experts. La Presse avait d’ailleurs rapporté dans la foulée qu’Ottawa est sur le qui-vive, au moment où plus des trois quarts des 70 incendies de forêt qui brûlent déjà dans l’ouest et le nord du pays ont débuté en 2023 et ne se sont jamais éteints. En 2023, le Canada avait connu sa pire saison d’incendies de forêt, qui avaient ravagé au total quelque 15 millions d’hectares à l’échelle du pays.