Une Québécoise qui croupit dans une des pires prisons des États-Unis pour avoir participé à un réseau illégal d’approvisionnement de l’armée russe affirme qu’elle était sous le contrôle « obsessif » de son mari à l’époque et espère obtenir la clémence de la justice américaine, notamment en raison de sa situation conjugale.

Kristina Puzyreva, résidante de Sainte-Anne-de-Bellevue âgée de 32 ans, a été arrêtée dans un hôtel de Manhattan avec son conjoint, Nikolay Goltsev, en novembre dernier.

Les autorités américaines ont expliqué dans un acte d’accusation que tous deux auraient organisé à partir du Québec un réseau qui alimentait illégalement l’armée russe en composants électroniques stratégiques, des systèmes dont l’exportation est restreinte par la loi et qui ont été utilisés dans des missiles, des chars d’assaut, des drones, des hélicoptères et d’autres équipements militaires pendant l’invasion de l’Ukraine.

Selon les enquêteurs américains, le matériel livré à la machine de guerre de Moscou grâce au couple québécois a été retrouvé sur le champ de bataille.

PHOTO FOURNIE PAR L’ASSOCIATED PRESS

Hélicoptère russe Ka-52 en mission au-dessus de l’Ukraine. Des composants électroniques qui auraient été livrés par les Québécois ont notamment été retrouvés sur de tels appareils.

Le couple, qui possède la double nationalité russe et canadienne, est détenu aux États-Unis depuis. En février, Mme Puzyreva a plaidé coupable à une accusation de complot pour blanchiment d’argent en lien avec cette affaire. Son mari, qui est décrit dans les documents judiciaires comme étant celui qui avait une relation de « longue date » avec des fournisseurs de l’armée russe, est toujours en attente de son procès.

Son mari « la contrôlait obsessivement »

Les documents judiciaires déposés dans le dossier de Mme Puzyreva indiquent que les recommandations sur la peine à imposer à la Québécoise se situeront entre 18 et 24 mois de prison. Mais selon son avocat, divers éléments dans son parcours militent en faveur d’une peine clémente. Sa situation pourrait même justifier qu’on la condamne uniquement au temps déjà passé en détention préventive, affirme-t-il dans une lettre déposée au tribunal.

« Mme Puzyreva a été élevée dans un foyer avec un niveau extrême de violence imposé par son père, et son coaccusé et mari, Nikolay Goltsev, la contrôlait obsessivement dans les années suivant leur mariage, plus particulièrement encore au cours des dernières années », dit-il.

L’avocat ajoute que selon un rapport présentenciel, le rôle de sa cliente était limité dans cette affaire et elle avait une « connaissance minimale » du plan de son mari pour contourner les sanctions contre la Russie.

Invité à réagir, l’avocat de Nikolay Goltsev a indiqué que son client souhaite aider sa conjointe dans cette épreuve. Il n’a pas voulu commenter les allégations sur leur relation. « M. Goltsev soutient pleinement sa femme et veut l’aider à fermer ce chapitre de sa vie et passer au prochain », a déclaré MTodd A. Spodek dans un courriel à La Presse.

Conditions de détention difficiles

Mme Puzyreva doit recevoir sa peine en septembre prochain. D’ici là, elle demeure détenue au Metropolitan Detention Center de Brooklyn (MDC), une prison qui fait constamment la manchette aux États-Unis pour ses conditions de détention horribles.

Il y a cinq ans, le patron de l’aide juridique à New York a déclaré au Huffington Post que mis à part les rares pénitenciers « super maximum » conçus pour accueillir les criminels exceptionnellement dangereux, « il n’y a rien de pire que le MDC ».

En janvier dernier, un juge américain a d’ailleurs refusé d’ordonner l’incarcération d’un trafiquant de drogue de 70 ans en raison des conditions « affreuses » au centre de détention, où les détenus sont souvent confinés à leur cellule 22 heures par jour sans accès aux visites, aux douches, aux salles de cours et au gymnase en raison du manque de personnel.

« Mme Puzyreva a eu beaucoup de difficulté à faire en sorte qu’on s’occupe de ses besoins de base. On a refusé de lui donner sa literie, des besoins dentaires significatifs ont été ignorés, etc. », ajoute son avocat, qui a tenté sans succès de faire devancer l’imposition de la peine afin d’en finir au plus vite.

« Nous allons devenir riches ! »

Au début des procédures, Mme Puzyreva s’était présentée comme une travailleuse de l’industrie de la mode arrivée au Canada il y a 14 ans, à l’âge de 18 ans. Elle disait gagner un peu plus de 32 000 $ par année.

La poursuite avait de son côté démontré que le réseau clandestin d’exportation de composants électroniques de son conjoint avait vendu pour des millions de dollars de marchandise à l’armée russe et que Mme Puzyreva avait reçu à sa résidence de l’ouest de l’île de Montréal plus de 130 colis dans le cadre du stratagème de contournement des sanctions. « Nous allons devenir riches ! », avait-elle écrit à son conjoint dans un message texte déposé en preuve.

« Si son secteur d’activité est la mode pour homme, alors elle a certainement un emploi secondaire ici », avait observé le procureur fédéral.

L’histoire jusqu’ici

24 février 2022 : À la suite de l’invasion de l’Ukraine, Washington impose de nouvelles sanctions sur l’exportation de composantes électroniques vers la Russie.

31 octobre 2023 : Un couple de Sainte-Anne-de-Bellevue, Nikolay Goltsev et Kristina Puzyreva, est arrêté aux États-Unis et accusé d’avoir organisé un réseau névralgique d’approvisionnement de la machine de guerre russe.

12 février 2024 : Kristina Puzyreva plaide coupable à une accusation de complot pour blanchiment d’argent à Brooklyn.