Un portier associé à un gang de rue. Deux cliques rivales présentes à la même soirée. Une clientèle parfois hostile face aux interventions policières. La présence de criminels au club Pandora à Laval posait un risque pour la sécurité publique, selon les témoignages de policiers lors d’audiences de la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ).

L’endroit situé à Laval sur le boulevard Saint-Martin a écopé la semaine dernière d’une amende de 3000 $ et d’une suspension de son permis d’alcool d’une durée de 7 jours, selon une proposition commune présentée au juge administratif Marc Savard. Le Pandora Supper Club avait été convoqué devant la Régie des alcools, des courses et des jeux en novembre dernier.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Le Pandora Supper Club, à Laval

3 août 2023. Un after-party destiné à des spectateurs du concert du rappeur américain 50 Cent au Centre Bell bat son plein au Pandora Supper Club, à Laval. L’escouade Équinoxe, spécialisée dans la surveillance d’établissements avec permis d’alcool et la collecte d’information, est au rendez-vous.

« Dans les dernières années, quand 50 Cent est venu, il y a eu des personnes d’intérêt pour nous, attirées par ce style de musique », résume le sergent-détective Antoni Mehani, du Service de police de Laval (SPL).

Ce dernier, qui observe les gangs de rue et le crime organisé lavallois depuis plusieurs années, reconnaît un visage familier : celui de Jeffrey Gerdes. Il est debout derrière la porte d’entrée et est vêtu d’un habit de portier. « Je sais qu’il est associé depuis longtemps à un gang de Vimont qu’on avait ici à Laval il y a longtemps », a expliqué le policier d’expérience.

Les vérifications effectuées par la police révèlent que M. Gerdes ne possède pas le permis BSP nécessaire à la fonction d’agent de sécurité, a affirmé le sergent-détective Mehani.

Visite d’Équinoxe dès l’ouverture

Le Pandora Supper Club a attiré l’attention des autorités dès son inauguration le 16 juillet 2023, a d’ailleurs expliqué le sergent-détective Mehani.

Avec le temps on a constaté la présence de personnes hautement criminalisées qui sont impliquées dans des évènements violents, des fusillades, des tentatives de meurtre.

Antoni Mehani, sergent-détective au SPL

Le policier remarque lors de la fête d’ouverture un individu mineur du secteur de Chomedey sur la terrasse, au beau milieu d’une foule de convives en état d’ivresse. Le sergent-détective Mehani tente de lui dire de quitter les lieux, mais il est interrompu par le frère du garçon, selon son témoignage.

« La situation a dégénéré. Il criait, sacrait, insultait les agents. Il a dû être maîtrisé au sol. »

L’intervention se complique quand la conjointe de l’homme ivre se mêle de l’interpellation. Le poivre de Cayenne a dû être utilisé pour la maîtriser, s’est remémoré le sergent-détective. Un seau de glace est lancé sur un véhicule de police, raconte-t-il.

« Ça a créé une foule autour de nous, on a demandé du back-up pour contrôler la foule qui commençait à être hostile envers nous. »

Les autorités tentent de se procurer les extraits de caméras de surveillance après l’arrestation de l’adulte interpellé plus tôt. Le propriétaire Jack Dabaghian n’aurait pas donné suite à cette demande malgré plusieurs communications des policiers, selon le sergent-détective Mehani.

Le tenancier finit, selon le policier, par contacter la police une semaine plus tard. Les images des caméras de surveillance ne sont alors plus disponibles en raison du délai.

Deux gangs ennemis à la même soirée

Plus inquiétant encore, le sergent-détective constate en octobre que plusieurs membres de gangs rivaux sont présents au même moment. Des individus associés aux Profit Kollektaz, un gang d’allégeance rouge de Rivière-des-Prairies, et des membres de CCL, un groupe d’allégeance bleue dont le nom réfère à l’intersection Christophe-Colomb/Louvain à Montréal.

La police aperçoit d’ailleurs au Pandora trois hommes considérés comme des membres des Flamed Head Boys (FHB), gang de rue de Laval-des-Rapides : Johnny Odiesse, Jack Shehata et Yves-Henri Ami.

Kensey Appollon, un homme associé aux Profit Kollektaz, gang de Rivière-des-Prairies, est aussi identifié par Équinoxe à au moins une reprise. L’individu connu sous le nom de Ryder porte alors un pendentif serti de diamants confirmant son allégeance.

Les policiers identifient également au Pandora Stevens Cantave, un présumé membre de gang de Pierrefonds tué en février dernier.

La fouille à la porte est pratiquement nulle. Il y a des gens qui rentrent avec des manpurses [sacoches de luxe pour hommes]. On sait que c’est un accessoire utilisé pour cacher des armes.

Antoni Mehani, sergent-détective au SPL

Il parle également d’une soirée où la clientèle appartenant au milieu criminel posait problème. « C’était difficile de se déplacer. Il y a certaines tensions envers nous, mais aussi parmi la clientèle. On avait le sentiment que ce n’est pas tout le monde qui était là pour s’amuser », indique le sergent-détective.

Le sergent-détective Philippe Rossignol, de la section du renseignement, module gangs de rue, au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), a également illustré le risque lié à la présence de bandits au Pandora lors d’une audience.

« La culture des gangs amène des conflits et de la jalousie, ce qui engendre de la violence », a vulgarisé l’expert.

Il a également confirmé une alliance entre les Profit Kollektaz et le groupe Blood Family Mafia (BMF), soupçonné d’être lié à la vague de violence armée à Québec.

Le sergent-détective Rossignol s’est dit préoccupé de voir des ennemis se côtoyer dans le même lieu. « Ça amène des enjeux de sécurité publique », a-t-il dit.

Le propriétaire du Pandora, défendu par MHovsep Dadaghalian, s’est engagé à surveiller de près les évènements spéciaux organisés par des promoteurs dans son établissement.