(Montréal) Depuis plus d’un an, les cendres du frère de Bridget Heffernan demeurent chez elle dans une urne au lieu d’être enterrées au cimetière Notre-Dame-des-Neiges, où reposent les membres de sa famille depuis près d’un siècle.

Avec le décès de sa mère, en septembre dernier, Mme Heffernan a désormais deux membres de sa famille à enterrer.

Mais plusieurs mois après la fin d’une longue grève qui a interrompu les activités dans l’un des plus grands cimetières du Canada, Mme Heffernan n’arrive toujours pas à obtenir de réponse quant à la date à laquelle les enterrements pourront avoir lieu, malgré ses efforts répétés pour entrer en contact avec la direction.

Même si elle n’a pas de problème majeur avec le fait de conserver les urnes chez elle, elle attend avec impatience le moment où sa mère et son frère pourront être enterrés dans le lot familial, entourés de quelques membres de leur famille et d’un prêtre qui sera sur place pour réciter une prière.

« En théorie, ils devraient déjà être enterrés, de retour à la terre », a-t-elle souligné.

Le cimetière Notre-Dame-des-Neiges, situé à Montréal, a été en grande partie fermé au public de la mi-janvier à la mi-septembre de l’année dernière en raison d’une grève de certains de ses employés. À un certain point, plus de 300 corps étaient en attente d’inhumation.

Éric Choinière, directeur des ventes et du service à la clientèle du cimetière, dit comprendre que l’attente est difficile pour les familles. « Nos pensées vont aux familles et nous comprenons très bien la situation », a-t-il déclaré lors d’un entretien téléphonique jeudi.

Il a déclaré qu’un printemps pluvieux et la nécessité d’une formation informatique supplémentaire pour les employés de bureau – qui n’ont repris le travail qu’en janvier – ont ralenti les efforts du cimetière pour rattraper son retard après la grève. Il a ajouté que des rendez-vous étaient pris « tous les jours » et que le cimetière espérait rattraper le retard d’ici la fin de l’année.

Plusieurs familles en attente

Denis Martin, un résident d’Oka, a mentionné que sa mère, Eileen Ashford, est décédée en avril 2023 à Vancouver, juste avant son 100e anniversaire. Depuis des mois, il tente de faire en sorte que ses cendres soient enterrées dans le lot familial au cimetière Notre-Dame-des-Neiges, en présence de sa grande famille qui comptait sept enfants.

La famille espérait au départ pouvoir organiser la cérémonie en avril, à l’occasion du premier anniversaire de son décès, mais M. Martin a été informé que les retards au cimetière étaient trop longs pour choisir cette date.

En entrevue, il a avoué que le processus avait été difficile émotionnellement pour la famille, en particulier pour ceux qui n’ont pas pu assister aux funérailles, l’année dernière.

« Ma mère a vécu très, très longtemps », a rappelé M. Martin, qui espère maintenant pouvoir organiser l’enterrement en septembre.

« J’ai 70 ans. C’est rare qu’on perde sa mère à 70 ans. Elle occupait une grande place dans nos vies, donc tout ce travail pour obtenir ce dernier moment, ça a été très difficile. »

Appel sur les réseaux sociaux

Mme Heffernan, qui s’est rendue au cimetière pour la première fois peu de temps après la mort de son frère, en mars 2023, s’est dite très frustrée par le manque de réponses et d’informations. Si elle a reçu des réponses à certains de ses courriels, elle a déploré le fait qu’elle ne sait toujours pas quand aura lieu l’enterrement ni où sa famille se trouve sur la liste d’attente.

Frustrée, elle a lancé une ligne à l’eau sur Facebook afin de découvrir si d’autres personnes avaient vécu des expériences similaires.

Plusieurs internautes ont répondu à sa publication en racontant leurs propres histoires. Certaines personnes ont mentionné qu’elles attendaient depuis aussi longtemps qu’elle pour obtenir une date d’enterrement, voire plus.

Andy Masterson, dont la mère est décédée en août, fait partie des utilisateurs qui ont partagé leurs frustrations.

Lors d’un entretien téléphonique, il a fait savoir que sa sœur et lui avaient essayé de se rendre au cimetière une dizaine de fois, attendant souvent plus d’une heure. Bien que les gens avec qui il a parlé soient gentils, il a trouvé tout le processus frustrant.

M. Masterson comprend que la grève a eu des impacts et que les enterrements ne peuvent pas avoir lieu en hiver, mais il estime que la façon dont les familles sont traitées est inacceptable.

« Il me semble que quelqu’un pourrait prendre l’initiative de recruter du personnel supplémentaire, d’approuver des heures supplémentaires, bref, d’essayer de trouver un moyen de rattraper le retard, étant donné la nature très, très délicate de ce qu’ils font », a-t-il soulevé.

Pour le moment, les restes de sa mère sont conservés dans une maison funéraire jusqu’à ce qu’ils puissent être enterrés dans le lot que sa famille possède depuis les années 1930.

M. Masterson espère avant tout d’avoir la date de l’enterrement, même si ce n’est pas avant l’année prochaine. Il souhaite que quelqu’un prenne la responsabilité de communiquer correctement avec les familles.

« Les gens ont besoin de ce moment de deuil et il faut en finir avec tout ça », a-t-il martelé.

M. Martin, en revanche, a reçu de bonnes nouvelles. Moins d’une heure après son entretien avec La Presse Canadienne, mercredi, il a reçu un avis du cimetière lui indiquant que l’enterrement de sa mère pourrait avoir lieu le 6 septembre, soit l’une des dates qu’il avait demandées.