L’Université McGill a fait une demande d’injonction auprès de la Cour supérieure afin que soit demantelé le campement propalestinien qui occupe son campus depuis près de deux semaines.

C’est ce qu’a annoncé le recteur de McGill, Deep Saini, dans un courriel adressé à la communauté universitaire, vendredi après-midi.

Si la Cour supérieure accédait à la demande de l’Université, l’ordonnance obligerait les personnes occupant le campement à le démanteler, et les empêcherait d’occuper le campus du centre-ville de l’université. « Cette ordonnance habiliterait aussi le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) à procéder à une intervention », peut-on lire dans le courriel.

Le recteur a notamment cité les « risques » pour la santé et pour la sécurité que le campement pose. « Aucun représentant de l’Université ou d’organismes comme le Service de sécurité incendie de Montréal n’a pu pénétrer dans le campement pour vérifier s’il était conforme aux normes de santé et de sécurité », a affirmé Deep Saini, dans son courriel.

Selon Deep Saini, le campement pourrait « donner lieu à des situations imprévisibles, compromettant la sécurité ». Le recteur a affirmé que les manifestations et contre-manifestations dont le campus a été le théâtre depuis l’arrivée du campement provoquent des « tensions » qui « pourraient s’envenimer ».

Même si l’ordonnance est émise, l’Université McGill a assuré qu’elle comptait « poursuivre, de bonne foi » ses discussions avec les membres du campement.

« Complètement pris de court »

L’annonce n’a rien fait pour démotiver les manifestants, qui ont réitéré leur volonté de rester sur le campus lors d’une conférence de presse, vendredi soir. Plus tard en soirée, l’ambiance était festive : des manifestants coiffés de keffiehs entonnaient des chants traditionnels juifs devant le campement, pendant que d’autres discutaient en petits groupes sur la pelouse de l’Université McGill.

« On est complètement pris de court », a affirmé une porte-parole du campement, selon qui les manifestants discutent « de bonne foi » avec l’administration de l’université depuis deux semaines.

Nous leur avons proposé des solutions de manière consistante, nous pensions qu’ils nous prenaient au sérieux, mais ils ont plutôt choisi de se tourner vers des tactiques légales.

Une porte-parole du campement

Quant aux préoccupations de sécurité émises par le recteur, la porte-parole a assuré qu’elles sont infondées. « Un inspecteur de la sécurité est venu, nous avons suivi ses recommandations, et nous avons des docteurs sur les lieux. »

Face à un potentiel démantèlement, la position des manifestants est sans équivoque. « Nous restons. Nous ne partirons pas de sitôt », a affirmé la porte-parole.

Une première demande refusée

Il s’agit de la deuxième demande d’injonction qui vise le campement propalestinien de McGill. La première demande, déposée le 30 avril, visait à empêcher les manifestants de protester à moins de 100 mètres des édifices de l’université.

Les plaignants, deux étudiants, reprochaient aux manifestants de créer un environnement « hostile » et « dangereux », mais la Cour supérieure avait refusé leur demande, jugeant leur preuve trop fragile. Les demandeurs n’ayant pas subi eux-mêmes de harcèlement ou de menaces, leurs craintes étaient « en grande partie subjectives », reposant sur des « évènements isolés », selon la juge Chantal Masse.

L’Université McGill demande aux manifestants de quitter le campus depuis près de deux semaines. L’administration n’a pas fait appel à la police pour intervenir sur le campus, mais des agents du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) assurent une surveillance du campement depuis l’apparition des premières tentes.

Comme l’Université McGill est un lieu privé, la décision de démanteler le campement revient à l’administration.

À travers l’Amérique du Nord

Le campement de protestation établi à McGill s’inscrit dans un mouvement plus vaste de campements propalestiniens, qui a débuté à l’Université Columbia, à New York, à la mi-avril.

Depuis, la colère et les tentes se sont propagées à travers les campus de nombreuses universités d’Amérique du Nord. Les étudiants demandent à leurs universités de retirer leurs investissements dans les entreprises qui profitent à l’armée et à l’État d’Israël. Aux États-Unis, des centaines d’arrestations ont eu lieu en lien avec les campements.

Sur certains campus, comme celui de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA), les démantèlements de campements propalestiniens ont mené à des affrontements violents entre policiers et manifestants. À l’Université de Portland, des protestataires se sont barricadés dans une bibliothèque du campus, menant à l’arrestation d’une douzaine de personnes.

D’autres campements ont été démantelés avec la coopération des protestataires. À l’Université Brown, dans le Rhode Island, les manifestants ont calmement rangé leurs tentes, après que l’administration eut accepté d’entendre leurs demandes.

Avec la collaboration de Léa Carrier, La Presse