L’Université McGill a demandé mardi l’intervention des forces policières pour démanteler le campement propalestinien installé sur son campus. Dans les rangs des manifestants, personne n’entendait toutefois partir.

Ce qu’il faut savoir

  • Devant l’impasse, l’Université McGill a demandé l’intervention des forces policières pour démanteler le campement propalestinien.
  • Malgré la menace, les manifestants refusent de partir.
  • Le premier ministre Justin Trudeau a rappelé que les campus doivent demeurer des endroits sûrs.

« On est prêts », a lancé une étudiante au visage masqué, résumant bien l’état d’esprit des militants rencontrés sur le terrain boueux du campement.

Malgré la menace d’une intervention policière, personne n’entendait quitter le site, qui a triplé de taille en l’espace de quelques jours.

« On s’y attendait », a-t-elle lâché, ajoutant qu’ils s’étaient « entraînés » à toute éventualité. « Nous resterons quoi qu’il arrive », a confirmé un porte-parole de la manifestation, Ali Salman.

Quelques heures plus tôt, la direction de l’université annonçait avoir demandé l’intervention des forces policières devant l’absence d’une résolution.

Depuis samedi, une centaine d’étudiants campent sur le terrain de l’université, réclamant de l’administration qu’elle coupe tout lien – financier et professionnel – avec Israël.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Le campement a triplé de taille en quelques jours.

« Nous avons informé les participants que l’installation de ce campement n’était pas autorisée et leur avons donné le temps nécessaire afin de récupérer leurs effets et quitter les lieux », a indiqué l’Université dans un courriel transmis aux médias.

Une décision « crève-cœur » résultant d’une situation « complexe », a souligné le vice-chancelier de l’université, Deep Saini. « Ce n’est en aucun cas une décision que je prends à la légère », a-t-il ajouté.

Le Service de police de la Ville de Montréal disait de son côté évaluer « les différentes avenues possibles », en préconisant un « dénouement pacifique ».

Des tensions

Le calme qui régnait sur le campus a été momentanément troublé lorsqu’un homme portant une casquette arborant l’étoile de David a pénétré à l’intérieur du campement, protégé par des barricades.

« Ce terrain ne vous appartient pas ! », a-t-il scandé, avant d’être escorté à l’extérieur.

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Un homme portant une casquette arborant l’étoile de David a tenté d’entrer dans le campement.

« Nous allons résister », a déclaré un militant, qui a passé la nuit dehors. « Nous resterons ici jusqu’à ce que nos demandes soient satisfaites. »

L’administration est « complice du génocide », a déploré l’étudiant palestinien, ajoutant qu’un démantèlement constituerait de la répression.

Malgré la pluie, des sympathisants ont continué d’affluer avec des boîtes de denrées. D’origine palestinienne, Yasmine Dalloul était venue porter une bâche pour garder les manifestants au sec.

« Je suis fière d’eux. Ils risquent d’être arrêtés, d’être expulsés. Je ne peux pas rester silencieuse et ne rien faire », a témoigné la jeune femme.

Des professeurs étaient aussi présents en soutien à la cause.

« Voir un mouvement mondial porté par des jeunes à la défense du peuple palestinien est très inspirant », a souligné Michelle Hartman, qui enseigne à l’Université McGill.

Selon elle, les menaces de démantèlement servent de « distraction ». « Pendant ce temps, l’administration ne répond pas à nos demandes. »

Une demande d’injonction déposée

Une injonction contre le campement a été déposée mardi après-midi au palais de justice de Montréal.

Selon une copie consultée par La Presse, les plaignants sont deux étudiants de McGill qui reprochent aux manifestants de créer « un environnement dangereux, hostile et violent ».

Ils demandent au tribunal d’interdire « toute protestation liée à la manifestation dans un rayon de 100 mètres » de l’université.

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La ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, s’est dite « satisfaite de la prise de position de McGill », rappelant que le campement est « illégal » en vertu des politiques internes de l’Université.

Il est important pour elle d’« assurer la sécurité des étudiants ». « Maintenant, c’est dans les mains du SPVM. On va laisser le SPVM gérer la situation », a-t-elle ajouté lors d’une mêlée de presse au parlement, à Québec.

Son collègue de la Sécurité publique, François Bonnardel, a « entièrement confiance au jugement de la police ».

« Les gens ont le droit de manifester, les gens ont le droit de s’exprimer. Maintenant, le campement, c’est illégal. C’est ce que McGill nous dit. […] J’ai entendu et vu des commentaires […] d’étudiants qui ne se sentent pas en sécurité » et, pour le gouvernement, « ce qui est important, c’est la sécurité des étudiants et de la population ».

Selon l’université, les campeurs n’ont formulé aucune proposition visant « à faire avancer le dialogue ».

Elle soutient également avoir visionné des vidéos dans lesquelles des manifestants tiennent « des propos manifestement antisémites ».

« Je peux affirmer avec certitude qu’il n’y a pas eu d’antisémitisme, et je parle en tant que juif », avait répliqué un militant à La Presse lundi.

Trudeau réagit

Sans condamner directement les campements et les rassemblements sur les campus universitaires, le premier ministre Justin Trudeau a insisté sur le fait que ces endroits devaient demeurer des endroits sûrs pour tous.

« Les universités, c’est des endroits d’apprentissage, des endroits de liberté d’expression, de liberté de pensée », a-t-il déclaré lors d’une brève mêlée de presse avant la période des questions.

« Mais ça fonctionne seulement si les jeunes se sentent en sécurité sur les campus, a-t-il enchaîné. Or, trop de jeunes Canadiens de confession juive ne se sentent pas en sécurité sur leur campus, et ça, ça doit changer. »

Avec Tommy Chouinard et Mélanie Marquis, La Presse