(Québec) Le gouvernement Legault réutilise sa recette à la mode : il va créer un autre tableau de bord, cette fois sur la situation du français. Pour le reste, son très attendu plan d’action sur la langue recycle des mesures déjà annoncées, mais qui ne sont pas à négliger pour autant.

La Presse a mis la main sur une version quasi finale de ce plan signé par le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge. Le document circule parmi les ministères impliqués. Il devrait recevoir l’imprimatur du Conseil des ministres mercredi. Des changements demeurent possibles.

Le ministre Roberge, qui défendra ses crédits budgétaires en commission parlementaire ce mardi, doit dévoiler ce plan bientôt. La date du 28 avril, soit dimanche, a été encerclée sur le calendrier, mais rien n’est encore coulé dans le béton.

L’annonce de ce plan a d’ailleurs été reportée à plusieurs reprises. Au départ, elle devait être faite l’automne dernier.

Le « Plan pour la langue française » est doté d’une enveloppe de 580 millions de dollars en cinq ans. Cette cagnotte fait déjà partie du cadre financier du gouvernement, car elle a été constituée grâce aux deux derniers budgets. La mesure la plus coûteuse vise à augmenter l’offre de cours de Francisation Québec : 320 millions en cinq ans annoncés dans le budget Girard du 12 mars.

« Réveil national »

Ce plan est le fruit du travail du Groupe d’action pour l’avenir de la langue française, créé en janvier 2023 et composé de six ministres. En plus de M. Roberge, on y retrouve Christine Fréchette (Immigration), Bernard Drainville (Éducation), Pascale Déry (Enseignement supérieur), Mathieu Lacombe (Culture) et Martine Biron (Relations internationales et Francophonie).

Le gouvernement avait gonflé les attentes avec la création de ce groupe d’action. C’était le point de départ du « réveil national » que disait souhaiter Jean-François Roberge pour « ralentir, arrêter et inverser le déclin de la langue française ». Il voulait donner un autre tour de roue après l’adoption en 2022 de la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français (projet de loi 96).

Le ministre n’était pas alors en mesure d’indiquer à quel moment le gouvernement du Québec arriverait à « inverser le déclin du français ». Il avait répondu que « lors du dépôt du plan d’action, c’est sûr qu’il y aura un échéancier ».

Il n’y a pas de tel échéancier dans la version du plan obtenue par La Presse.

On y prévoit la création d’un tableau de bord, à l’image de ceux déjà mis en place à la Santé et à l’Éducation. Il permettra de suivre l’évolution de certains indicateurs de la situation linguistique au Québec. Le gouvernement pourra s’y fier pour guider son action.

Quels seront les indicateurs retenus ? L’utilisation des langues, notamment dans l’espace public et au travail, la langue de consommation des produits culturels et la langue parlée, précise-t-on.

Dans son plan, Québec cible en particulier trois indicateurs pointant vers un déclin du français. Les données sont tirées du plus récent recensement de Statistique Canada.

Proportion de personnes dont le français est la langue maternelle

2001 : 80,9 %

2021 : 74,8 %

Proportion de personnes qui parlent principalement français à la maison

2001 : 82,3 %

2021 : 77,5 %

Proportion de personnes dont le français est la première langue officielle parlée

2001 : 85 %

2021 : 82,2 %

L’Institut de la statistique du Québec sera chargé de mener les enquêtes nécessaires pour faire un suivi annuel de la situation du français. Il le fera en collaboration avec le ministère de la Langue française et l’Office québécois de la langue française, notamment, indique le plan d’action.

Cinq axes, des mesures connues

Le plan de Jean-François Roberge comprend cinq axes d’intervention :

  • l’immigration doit contribuer à la vitalité de la langue française ;
  • la culture francophone doit être davantage accessible et découvrable ;
  • les universités doivent encourager la fréquentation d’étudiants francophones et francotropes (c’est-à-dire ayant des affinités culturelles avec le français et qui sont plus enclins à adopter le français comme langue seconde) ;
  • la maîtrise du français chez les jeunes doit être priorisée ;
  • la langue française doit être un point d’ancrage universel et un vecteur d’échange pour favoriser sa valorisation et son rayonnement.

Les mesures associées à ces cinq axes sont déjà connues pour l’essentiel et sont en voie de se concrétiser.

En immigration, le plan se donne pour objectif d’augmenter le pourcentage d’immigrants connaissant le français. La ministre Fréchette a déjà revu les exigences en la matière dans les programmes d’immigration permanente et temporaire.

En culture, le plan vise à augmenter la disponibilité et la mise en valeur des contenus francophones dans l’univers numérique dominé par les Netflix et autres Spotify. Le ministre Lacombe a déjà annoncé le dépôt prochain d’un projet de loi afin « d’encadrer les grandes plateformes pour qu’il y ait plus de contenu québécois », comme le lui a recommandé un groupe d’experts récemment.

On attend toujours le lancement d’une mesure présentée dans le cadre du budget du printemps 2023 : le « passeport culturel numérique pour les jeunes », un outil « qui leur permettra d’avoir accès à des biens et services culturels » en français « à un coût avantageux ».

En enseignement supérieur, le plan propose une révision des droits de scolarité des étudiants canadiens non résidants du Québec et des étudiants internationaux. Il prévoit développer les compétences en français de 80 % des étudiants non québécois inscrits dans un programme de premier cycle dans une université anglophone. Le tout a déjà été annoncé par la ministre Déry.

En éducation, le plan mentionne que les approches pédagogiques seront « actualisées et diversifiées » afin d’améliorer la maîtrise du français chez les élèves. Le ministre Drainville a déjà entrepris des travaux pour réformer le programme de français au primaire et au secondaire.