Environ 1700 autobus prennent actuellement la poussière dans des garages des sociétés de transport au Canada, les transporteurs n’ayant pas l’argent pour les faire rouler, s’inquiète un nouveau rapport commandé par deux organisations écologistes. S’ils étaient mis en service, ces véhicules pourraient faire bondir l’offre de service.

Ce qu’il faut savoir

  • Les sociétés de transport au Canada disposent d’environ 1700 autobus non utilisés, selon une nouvelle étude.
  • Ensemble, ils représentent approximativement 13 % de l’offre de service canadienne.
  • Les deux coalitions écologistes derrière le rapport appellent Ottawa à financer davantage l’opération quotidienne des transporteurs.

« Pour nous, ça démontre le problème qui est causé par le fait que le gouvernement fédéral ne finance que les projets de développement et d’expansion. Autrement dit, les investissements fédéraux ne peuvent pas être utilisés pour l’opération », explique l’analyste en mobilité durable d’Équiterre Anne-Catherine Pilon.

Dans un rapport paru ce mardi, son organisation ainsi que le groupe Environmental Defence Canada s’inquiètent du fait que « le phénomène des autobus sans personne pour les conduire a pris de l’ampleur ». Les deux groupes calculent, en se basant sur des données de l’Association canadienne du transport urbain (ACTU), que 1700 autobus servent de « véhicules de rechange » et pourraient être envoyés sur la route.

C’est quasiment l’équivalent du parc global de la Société de transport de Montréal (STM), qui dispose d’approximativement 2000 autobus à l’heure actuelle.

« Nous avons environ 250 bus disponibles qui ne sont pas requis pour l’offre de service planifiée. Évidemment, si on devait les mettre en service, cela nécessiterait un financement accru », précise d’ailleurs la porte-parole de la société, Amélie Régis.

À l’échelle canadienne, l’ACTU estime à environ 16 520 le nombre total d’autobus. Or, seulement 12 440 d’entre eux seraient véritablement en circulation lors des heures de pointe, sur une base quotidienne, plus de 4000 d’entre eux étant en entretien ou en remise à neuf de façon continue. Bref, les 1700 autobus dormants représenteraient environ 13 % du parc en fonction au Canada.

Pas assez de moyens

Le cœur du problème, selon l’analyste, est que si la plupart des municipalités ont augmenté leurs parcs d’autobus grâce aux investissements fédéraux, elles ne peuvent « disposer des fonds d’exploitation nécessaires » à la mise en service de ceux-ci.

Avec les baisses d’achalandage qu’on a connues à la suite de la pandémie, ce dont on a besoin, c’est de relancer la boucle vertueuse du transport collectif. Il faut redonner une impulsion en finançant les services. Plus il y en aura, plus il y aura d’achalandage et plus il y aura de revenus.

Anne-Catherine Pilon, d’Équiterre

Résultat : le nombre de kilomètres parcourus par véhicule est en chute libre, en baisse de 7 % par rapport à 2016, d’après les données du rapport.

C’est cette année-là qu’Ottawa avait inauguré en grande pompe le Programme d’infrastructure Investir dans le Canada (PIIC), avec une enveloppe de 23,5 milliards de dollars destinée au développement et au maintien du transport collectif.

Cap sur 2035

On lit par ailleurs dans le document que le Canada « pourrait réduire » les émissions de carbone de 65 millions de tonnes – l’équivalent de 20 millions de voitures sur une base annuelle – et abaisser de 35 % le nombre de kilomètres parcourus par voitures d’ici 12 ans à peine en optant pour quatre mesures phares.

La première serait de fournir un financement adéquat aux transporteurs pour leurs opérations quotidiennes ; à l’heure actuelle, trop de sociétés de transport collectif canadiennes « ne sont pas autorisées à utiliser les fonds fédéraux pour augmenter les heures de service ou leur fréquence », déplorent les auteurs.

Ceux-ci encouragent également les autorités à favoriser la densité résidentielle à proximité des services de transport collectif.

Cela revient à multiplier les quartiers TOD (transit-oriented development), soit des zones à haute densité près de métros, de tramways, de trains légers ou de lignes d’autobus. « C’est vraiment la mesure qui aurait le plus d’impact », note Mme Pilon à ce sujet.

L’achat massif d’autobus électriques et la mise en place de voies réservées, surtout en contexte urbain, permettraient aussi de doubler l’achalandage, réitèrent les deux regroupements écologistes. Ces derniers chiffrent à environ 35 milliards les investissements requis d’ici 2035 pour y arriver.

« Ça représente à peu de choses près l’équivalent des investissements du gouvernement dans le pipeline Trans Mountain. La différence, c’est que notre plan permet à des gens, et non à du pétrole, de se déplacer plus rapidement et à moindre coût », illustre Anne-Catherine Pilon.

Des besoins à court terme

Tout cela survient alors que s’amorcent de nouvelles négociations en vue de la mise sur pied d’un cadre de financement « récurrent et prévisible » sur cinq ans dans le transport collectif, un mandat que s’est donné la ministre des Transports, Geneviève Guilbault. Les discussions pour 2024 s’étaient terminées abruptement en décembre dernier, après des semaines de négociations sur la place publique. L’aide gouvernementale pour 2024 avait été de 265 millions, dont 238 millions pour le Grand Montréal. L’Association du transport urbain du Québec (ATUQ) réclame à Québec une aide de 622 millions de dollars pour 2025. À Montréal, l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), elle, estime avoir besoin d’une aide gouvernementale de 421 millions l’an prochain.