(Ottawa) Ottawa alloue une somme supplémentaire de 362 millions pour l’hébergement temporaire des demandeurs d’asile d’un bout à l’autre du pays, dont 100 millions pour le Québec, sans toutefois répondre aux autres demandes de François Legault. Le premier ministre avait récemment affirmé que le Québec était « tout près du point de rupture ».

« C’est sûr que l’argent à lui seul ne suffira pas », a reconnu le ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller, en point de presse mercredi après-midi.

« C’est clair qu’il y a un effort supplémentaire à faire que ce soit la discussion qui est en cours en ce qui a trait aux demandeurs d’asile ou que ça soit le Mexique ou les autres pays qui forment, disons, le top cinq, a-t-il ajouté. C’est clair qu’il y a d’autres mesures qui s’imposent. »

Le ministre avait ouvert la porte au retour du visa pour les Mexicains qui souhaitent entrer au pays. Cette obligation avait été levée par le gouvernement Trudeau en 2016.

Les 362 millions d’argent neuf annoncés pour le Programme d’aide au logement provisoire s’ajoutent aux 212 millions disponibles depuis l’été dernier, portant le total à 574 millions. Cette aide d’urgence vise à prévenir que les demandeurs d’asile tombent dans l’itinérance.

En plus de la nouvelle somme 100 millions, Québec aura droit à 50 millions de l’enveloppe déjà annoncée en juillet, ce qui porte à 150 millions le montant destiné à l’hébergement temporaire des demandeurs d’asile.

Ce montant est « largement insuffisant » pour la ministre québécoise de l’Immigration, Christine Fréchette, qui attend d’autres gestes « urgemment ».

« C’est difficile de s’expliquer pourquoi le gouvernement fédéral n’a pas encore tenu compte de nos dépenses pour les services de santé, d’éducation, d’aide de dernier recours, a-t-elle réagi. Ça fait plus d’un an qu’on lui a fait la démonstration que les coûts ont explosé. »

Elle estime tout de même que les pressions effectuées récemment par Québec ont porté leurs fruits et que « le fédéral commence enfin à reconnaître l’apport très important du Québec dans l’accueil des demandeurs d’asile ».

« Je le répète, notre capacité d’accueil est dépassée », a-t-elle déclaré.

Il s’agit d’une « autre claque au visage » de la Coalition avenir Québec et d’« une insulte », a critiqué le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon. « C’est carrément indigne envers les efforts des Québécois pour accueillir le plus dignement possible toutes ces personnes, et ce, bien au-delà de nos capacités d’accueil », a-t-il écrit sur X.

Les Québécois constatent que « le gouvernement fédéral se comporte comme un mauvais payeur, pas fiable et indigne de confiance », a critiqué à son tour le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet.

Au cours des deux derniers jours, le ministre Miller avait haussé, puis tenté de baisser les attentes du Québec quant au montant qu’il comptait annoncer.

Le montant total de 150 millions représente environ le tiers de ce que le gouvernement Legault avait demandé non seulement pour l’hébergement, mais pour l’ensemble des services liés à l’accueil des demandeurs d’asile. Il réclamait 470 millions pour 2021 et 2022, mais le ministre des Finances, Eric Girard, avait reconnu qu’Ottawa en avait déjà versé environ 70 millions. Cette somme provient du même programme de logement provisoire.

Le premier ministre François Legault soulignait il y a deux semaines que le Québec était « tout près du point de rupture » et que « la situation est devenue insoutenable ». Le Québec a reçu 45 % de tous les demandeurs d’asile en 2023, soit un record de 65 570.

Dans une lettre adressée à son homologue fédéral Justin Trudeau, M. Legault lui demandait de rembourser les sommes décaissées par le Québec pour l’accueil des demandeurs d’asile, « freiner et diminuer l’afflux de demandeurs d’asile » en resserrant l’octroi de visas, « répartir équitablement » leur nombre « sur l’ensemble du territoire canadien », de « fermer toute brèche qui permettrait à des groupes criminels de s’infiltrer au Canada ».

Le ministre Miller a indiqué que le gouvernement fédéral offre déjà aux demandeurs d’asile qui arrivent au Québec de s’installer dans d’autres provinces. « Ce n’est pas parfait, donc il y a un effort supplémentaire à faire », a-t-il concédé.

Depuis juin 2022, environ 10 500 demandeurs d’asile ont été transférés en Ontario et dans les provinces de l’Atlantique, selon les données les plus récentes du ministère fédéral de l’Immigration.

« C’est aussi la réalité qu’on ne peut pas traiter les demandeurs d’asile comme du bétail et les mettre n’importe où », a-t-il continué, rappelant au passage qu’ils ont certains droits. L’attrait pour les grands centres comme Montréal et Toronto est également un obstacle à leur relocalisation.

La Ville-Reine est elle aussi aux prises avec un afflux de demandeurs d’asile. Dans une lettre envoyée à Ottawa en novembre, la mairesse Olivia Chow avait indiqué qu’ils étaient 3900 à vivre dans des refuges gérés par la ville. Elle réclame en tout 440 millions pour leur accueil en 2023 et 2024.

Le ministre Miller n’a pas indiqué mercredi quelle part des 362 millions servira à aider Toronto, mais a promis une autre annonce à ce sujet sous peu.

Avec Tommy Chouinard, La Presse