(Québec) Le Front commun syndical réclame un « blitz » de négociation et lance un ultimatum au gouvernement : s’il n’y a pas entente d’ici la fin de l’année, ses 420 000 travailleurs seront en grève générale illimitée en janvier. Et ce n’est pas une menace en l’air, prévient-il.

« Il n’y a pas de bluff. S’il faut y aller, on va y aller. […] L’heure est grave », a soutenu la présidente de la FTQ, Magali Picard, lors d’une conférence de presse avec les autres leaders syndicaux du Front commun mercredi.

Elle estime que les syndiqués bénéficient toujours d’un « capital de sympathie » de la part de la population. Elle n’a « absolument pas peur » de perdre cet appui. « La population, là où elle n’est plus au rendez-vous, c’est derrière le gouvernement de Francois Legault, a-t-elle fait valoir. Vous avez vu comme nous les sondages : il est en chute libre. »

« François Legault, il conduit une voiture en sens contraire dans le tunnel. Toutes les voitures lui font face et il continue d’être convaincu qu’il est le seul qui va dans la bonne direction », a-t-elle illustré.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

Magali Picard

Sur une échelle de 1 à 10, la progression des négociations vers une entente est à peine de 5 aux tables sectorielles sur les conditions de travail et de 6,5 à la table centrale sur les salaires, a déploré le vice-président de la CSN, François Enault.

À toutes les tables, « le constat est le même : beaucoup de tapage, peu de résultats présentement », a soutenu le président de la CSQ, Éric Gingras. La Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ) a rejeté la nouvelle offre du gouvernement mardi, considérant que c’est un « show de boucane » et « un recul dans les pourparlers ». « Afin d’obtenir une entente avant les Fêtes », elle a présenté une contre-proposition mercredi qui « s’appuie sur les priorités des enseignants, soit la composition de la classe et l’allègement de la tâche ».

Il est toujours possible de conclure une entente d’ici Noël ou la fin de l’année, selon le Front commun. D’après Éric Gingras, « ça peut se régler aux tables en 48 heures, en 72 heures, mais la volonté doit être là. » Pour le moment, le gouvernement fait plutôt traîner les choses, « prend son temps », afin de tenter selon lui « d’affaiblir le mouvement syndical ».

« On peut régler avant les Fêtes, sinon l’hiver 2024 va être assez difficile pour le premier ministre », a signalé François Enault. Il y aura grève générale illimitée en cas d’impasse, mais aucune date pour le déclenchement d’un débrayage n’a été fixée pour le moment.

Une grève générale illimitée du Front commun serait une première. Elle entraînerait la fermeture de toutes les écoles publiques du Québec en plus de ralentir les activités dans le réseau de la santé et des services sociaux.

Plus de 40 % des écoles publiques sont fermées depuis un mois en raison de la grève générale illimitée de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), qui a rejeté elle aussi la nouvelle offre du gouvernement.

Selon le président de l’APTS, Robert Comeau, « le gouvernement ne comprend pas l’urgence de régler la situation ». Il faudrait rapidement accélérer le tempo à toutes les tables, insiste le Front commun. Il réclame « une négociation intensive », un « blitz » afin de régler les contrats de travail. « Et un blitz, c’est qu’on devrait se rencontrer plus que 15 minutes par jour ! » a lancé François Enault.

« Les 11 jours de grève qu’on a faits, on a été très bon joueur, a-t-il plaidé. On n’a pas voulu prendre la population en otage. On a fait ça correctement. Mais on dirait que le gouvernement, c’est ce qu’il veut, il veut nous amener en grève générale illimitée. Si c’est ce qu’il veut, c’est ce qu’il va avoir. Mais nous, ce n’est pas ça qu’on veut. Ce qu’on veut, c’est régler correctement les conditions de travail pour nos membres. »

Pour obtenir une entente, le gouvernement doit donner des mandats clairs à ses négociateurs aux tables sectorielles et ne pas se limiter à mettre de l’avant ses priorités entre autres sur la fameuse flexibilité dans les conditions collectives, affirme le Front commun. Sur les salaires, il réclame une clause d’indexation pour couvrir la hausse du coût de la vie et un « enrichissement » qu’il ne chiffre pas pour l’instant.

« On ne va pas rentrer à genoux », a prévenu Magali Picard. « On n’acceptera pas des conditions d’emploi qui ne vont pas améliorer nos réseaux. »

Le Front commun se dit prêt à signer des conventions collectives de cinq ans comme le veut le gouvernement, mais il ne chiffre plus ses demandes. Elles étaient au départ d’environ 23 % en trois ans. Rappelons que Québec a envoyé le signal qu’il bonifiera sa dernière offre d’augmentations de salaire de 12,7 % en cinq ans. Et comme La Presse l’écrivait, le Front commun a réclamé récemment, pour la même période, une clause d’indexation de 18,1 % pour couvrir la hausse du coût de la vie et une augmentation de 7 % — au lieu de 9 % — à titre d’« enrichissement ». Il a remis en question la hausse de 7 % depuis.

Le Front commun réitère qu’une condition sine qua non pour conclure une entente est d’obtenir des gains au sujet des assurances collectives (une hausse de la contribution de l’employeur) et au sujet des ouvriers spécialisés (plombier, mécanicien et électricien, par exemple) qui accusent un important retard de rémunération par rapport au privé.

Le gouvernement n’a pas voulu réagir à la sortie du Front commun. François Legault a publicisé sur les réseaux sociaux des rencontres qu’il a eues avec le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, et la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, « pour discuter des négociations du secteur public, entre autres des moyens pour alléger la tâche des enseignants dans les classes où il y a plus d’enfants qui ont des difficultés d’apprentissage ».