La Ville de Westmount poursuit les ministères de l’Environnement et des Transports, en contestant leur conclusion que le bruit de l’échangeur Turcot n’a pas véritablement augmenté. Selon la municipalité, les tests de niveau sonore n’ont pas été réalisés dans les règles de l’art par le gouvernement.

Tout part d’une décision transmise à la Ville de Westmount le 31 octobre. Le ministère de l’Environnement y estime que les résultats transmis par le ministère des Transports pour prouver que le niveau sonore de l’échangeur n’a pas augmenté « sont basés sur un grand nombre d’hypothèses, difficiles à valider ».

Malgré cette incertitude – et le fait qu’il admet lui-même qu’il « n’est pas possible de se prononcer sur l’acceptabilité des résultats » –, le ministère de l’Environnement conclut dans cette décision que les gens des Transports ont rempli de façon « globalement satisfaisante » leur mandat.

Depuis le début, le projet de reconstruction de l’échangeur Turcot, qui s’est achevé en 2020, est assujetti à une stricte politique environnementale.

Celle-ci inclut notamment qu’en cas d’augmentation du niveau sonore, le ministère des Transports doit mettre en œuvre des mesures d’atténuation pour réduire le bruit perçu chez les riverains. La décision finale du ministère de l’Environnement a un impact sur les actions qui sont prises ou non.

Et selon Westmount, « cette incohérence et ce manque de rationalité entre la décision et ses motifs, de même que l’impossibilité de justifier la conclusion au regard des contraintes juridiques et factuelles applicables, révèlent une décision manifestement déraisonnable », lit-on dans la poursuite déposée la semaine dernière.

PHOTO HUGO-SEBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Christina Smith, mairesse de Westmount

L’administration de la mairesse Christina Smith, qui avait d’abord transmis une mise en demeure n’ayant pas suffi à faire bouger le gouvernement, demande donc à la Cour supérieure « d’annuler la décision du Ministère » et d’enjoindre à ce dernier d’en rendre une nouvelle qui soit plus juste et équitable.

Décision « préjudiciable »

Appelée à réagir, la Ville de Westmount indique par courriel avoir « entrepris le recours, car elle juge la décision du Ministère préjudiciable envers ses résidants », en réservant tout autre commentaire sur le sujet.

Quant à lui, le ministère des Transports nous renvoie simplement au décret 890-2010, qui touche le projet de reconstruction du complexe Turcot sur le territoire des villes de Montréal, de Montréal-Ouest et de Westmount, en rappelant que « des conditions sont prévues […], [y compris] le climat sonore en période d’exploitation », sans véritablement répondre à nos questions.

« Voici un extrait de la condition 15 : les mesures de suivi prévues au programme doivent être réalisées 1 an, 5 ans et 10 ans après la mise en service de l’infrastructure. Considérant que le dossier est judiciarisé, le Ministère ne commentera pas davantage » l’affaire, a prudemment indiqué le porte-parole, Louis-André Bertrand.

Selon Westmount, c’est justement cette condition portant sur le climat sonore qui a été brimée. Il reviendra donc à la Cour de déterminer si l’analyse de la municipalité est valide au cours des prochaines semaines.

Pas une première

Ce n’est pas la première fois que la Ville de Westmount hausse le ton contre le gouvernement dans le dossier de l’échangeur Turcot.

En mai 2017, la municipalité avait aussi demandé une injonction à la Cour supérieure afin que le ministère des Transports et le consortium responsable de la réalisation du complexe Turcot, KPH Turcot, respectent le niveau de bruit exigé par décret gouvernemental dans le contexte de la reconstruction de l’autoroute Ville-Marie (route 136) longeant le sud de la municipalité, dans le cadre du projet Turcot.

« Une fois l’autoroute 136 [achevée], le climat sonore dépassera les 65 décibels à plusieurs endroits du territoire de Westmount, atteignant même plus de 70 décibels dans certains secteurs », s’inquiétait alors la Ville et disant qu’il est « dommage de devoir recourir » aux tribunaux.

Le ministère des Transports avait alors fait savoir par l’entremise d’une lettre qu’il n’avait pas l’intention d’apporter des changements à la plus récente version des plans de construction et que la solution choisie consistait en un écran antibruit.

Québec avait aussi souligné à ce moment que « le coût des mesures d’atténuation dans le secteur pourrait être partagé [en] parts égales entre le Ministère et la Ville de Westmount ».

Avec la collaboration de Louis-Samuel Perron, La Presse