En plein conflit avec le gouvernement, des dizaines d’intervenantes de la direction de la protection de la jeunesse (DPJ) ont déposé jeudi une plainte au Tribunal administratif du travail contre leur propre syndicat, l’APTS, a appris La Presse. Elles se sentent « abandonnées et lésées » et demandent le remboursement de leurs cotisations syndicales depuis le début des négociations.

Ce qu’il faut savoir

  • Des intervenantes de la DPJ ont déposé une plainte au Tribunal administratif du travail contre leur propre syndicat, l’APTS.
  • Elles se sentent « abandonnées » par leur syndicat et demandent des offres bonifiées pour les intervenantes en protection de la jeunesse.
  • L’APTS dit avoir transmis « des demandes étoffées » concernant divers titres d’emploi qui se retrouvent à la DPJ.

« On se sent abandonnées par notre syndicat. Il n’y a aucune demande particulière en lien avec la DPJ aux tables sectorielles. Pour nous, c’est un non-sens », dit à La Presse Isabelle C. Morin, intervenante de la DPJ au CISSS de la Montérégie-Est et l’une des instigatrices de la plainte.

Des intervenantes en protection de la jeunesse dénoncent l’exode de leurs collègues vers les écoles et les CLSC et déplorent que leur syndicat n’en fasse pas assez pour les retenir.

Ils nous disent qu’en protection de la jeunesse on a une prime de 7 %, mais c’est trop peu, parce que les gens partent.

Isabelle C. Morin, intervenante de la DPJ au CISSS de la Montérégie-Est

L’exode des intervenantes vers d’autres milieux entraîne une perte d’expertise, soutient Isabelle C. Morin. « Nos intervenantes avec une certaine expertise partent pour des emplois similaires, mais avec une gestion de risque moindre et un mandat qui est très différent », explique-t-elle.

« Abandonnées et lésées »

La plainte a été déposée jeudi au Tribunal administratif du travail par une vingtaine d’intervenantes et vise l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS). Elle est également appuyée par plus de 200 intervenantes en protection de la jeunesse.

Les plaignantes disent s’être senties « abandonnées et lésées » par leur syndicat et implorent l’APTS de demander au gouvernement des offres bonifiées pour les intervenantes en protection de la jeunesse.

Le syndicat nous dit qu’il travaille sur l’égalité du salaire pour tous ; nous, ce qu’on demande, c’est une équité en lien avec notre réel mandat.

Isabelle C. Morin, intervenante de la DPJ au CISSS de la Montérégie-Est

Les intervenantes souhaitent également la création d’un syndicat distinct pour la protection de la jeunesse afin de représenter leur spécificité et mettre de l’avant leurs demandes propres. « On ne dit pas que notre travail est plus noble que celui de nos collègues en milieu scolaire, c’est un travail complémentaire. Mais il faut reconnaître que notre mandat est différent », dit Isabelle C. Morin.

Enfin, les signataires demandent le remboursement de leurs cotisations syndicales depuis le début des négociations entre le syndicat et le gouvernement.

Plus tôt cette semaine, Le Devoir a rapporté qu’une dizaine de psychologues du réseau public avaient porté plainte contre l’APTS et la CSN au Tribunal administratif du travail. L’un d’entre eux affirmait qu’aucune revendication propre à la rémunération des psychologues ne se trouvait dans le cahier des demandes syndicales en vue du renouvellement de la convention collective.

« Des demandes étoffées »

Appelée à réagir, l’APTS dit avoir transmis « des demandes étoffées » concernant divers titres d’emploi qui se retrouvent à la DPJ, notamment les primes spécifiques obtenues lors des dernières négociations.

« Tout récemment, le ministre [Lionel] Carmant a laissé entendre qu’il voulait une hausse de salaire significative pour les employée·e·s de la DPJ. Si une réponse sérieuse atterrit sur la table, nos membres peuvent être sûr·e·s et certain·e·s que nous l’étudierons rapidement et dans leur meilleur intérêt », a déclaré Sébastien Pitre, trésorier et responsable du dossier de la protection de la jeunesse à l’APTS.

PHOTO PATRICE LAROCHE, ARCHIVES LE SOLEIL

Le trésorier et responsable du dossier de la protection de la jeunesse à l’APTS, Sébastien Pitre

Sans commenter spécifiquement la demande des intervenantes de la DPJ, le CISSS de l’Outaouais a dit appuyer l’orientation du gouvernement qui propose des offres différenciées visant la bonification salariale pour leur région. « Nous laissons toutefois les parties convenir de ces offres aux tables de négociation nationale », ont-ils précisé. De son côté, le CISSS de la Montérégie-Est n’a pas voulu émettre de commentaire. La majorité des signataires de la plainte travaillent en Montérégie et en Outaouais.

Une pétition intitulée « Reconnaissance salariale pour les travailleur.e.s œuvrant à la protection de la jeunesse », lancée le 25 octobre par une équipe de la DPJ de Montréal, a d’ailleurs récolté plus de 2600 signatures à travers le Québec.