Reporters sans frontières (RSF) appelle la justice grecque à rendre « une décision indépendante » dans le dossier de Romain Chauvet, un journaliste franco-canadien accusé d’avoir émis une fausse alerte à la bombe dans un avion qui transportait des Canadiens d’Israël vers Athènes. Le principal intéressé, qui jure n’y être pour rien, doit comparaître pour la deuxième fois ce jeudi.

« Ça reste encore très flou et très incompréhensible, ce qui s’est passé ce jour-là », lance M. Chauvet, joint au bout du fil, à quelques heures de sa nouvelle comparution, jeudi matin au palais de justice d’Athènes.

Il faut d’abord remonter au 12 octobre dernier pour bien comprendre la séquence des évènements. Ce jour-là, le reporter devait couvrir le rapatriement de Canadiens sur le sol grec et s’est donc rendu à l’aéroport d’Athènes.

« Ce n’était pas un vol commercial, il n’était pas affiché sur les tableaux de bord qu’on voit toujours aux arrivées, alors j’ai demandé à une dame à l’accueil à quelle heure arrivait ce vol », relate-t-il, en prenant le soin de préciser que l’employée n’a pas pu fournir une réponse à ce moment.

Environ une demi-heure plus tard, des agents de la police ont interpellé M. Chauvet, à sa grande surprise, mentionnant un « contrôle d’identité », en lui demandant de les suivre. Le journaliste, qui s’est alors formellement identifié comme tel, a ensuite été placé en garde à vue pendant approximativement 24 heures. Il a notamment été interrogé par des enquêteurs, puis détenu dans une cellule, avant de devoir comparaître une première fois afin d’être relâché.

On a beaucoup insisté sur comment je savais qu’il y avait ce vol, alors que c’était public et connu. Ç’a été plusieurs interrogatoires coup sur coup, puis ensuite, j’ai été détenu dans une cellule jusqu’au lendemain, quand on m’a transféré au tribunal pour une première comparution.

Romain Chauvet

Basé sur un seul témoignage ?

Ex-employé de Radio-Canada, Romain Chauvet est aujourd’hui correspondant à l’étranger pour plusieurs médias, de façon indépendante, et collabore d’ailleurs également à l’occasion avec La Presse. Il risque jusqu’à trois ans de prison avec sursis à l’issue de son procès pour « diffusion de fausses informations », selon l’article 191 du Code pénal grec.

Selon RSF, qui a publié un communiqué sur le sujet mercredi, toute l’accusation visant le journaliste « ne semble être basée que sur le seul témoignage » de l’agente au guichet à l’aéroport international d’Athènes. C’est elle qui aurait en effet dit aux policiers que M. Chauvet avait indiqué la présence d’une bombe à bord de l’appareil canadien, selon l’organisme.

« Je n’ai jamais dit ça. C’est absolument faux », jure pourtant le journaliste, qui dit encore avoir du mal à se remettre des évènements. « La Grèce, c’est une démocratie. On ne se dit pas en allant à l’aéroport et en posant une question sur l’arrivée d’un vol que tout ça va arriver », glisse-t-il.

« Nous appelons la justice grecque à tenir compte de la faiblesse des éléments […] dans un dossier qui ne tient pas debout », a martelé le responsable du bureau UE-Balkans de RSF, Pavol Szalai.

« Pourquoi un journaliste qui s’est signalé auprès des autorités aéroportuaires ferait-il une fausse alerte, pour ensuite rester dans l’aéroport dans l’attente de se faire arrêter ? Alors que toute l’accusation tient sur les propos de l’agente au guichet, le doute doit bénéficier à l’accusé », a ajouté M. Szalai, déplorant « ce qui semble s’apparenter à une campagne médiatique orchestrée ».

Reporters sans frontières soutient en effet que peu de temps après son arrestation, M. Chauvet a été visé par « une large médiatisation en grec et en anglais qui rapporte la garde à vue d’un journaliste qui aurait voulu tester les systèmes de sécurité de l’aéroport ».

À la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), le président Michaël Nguyen a fait valoir que « la situation est inquiétante et déplorable pour M. Chauvet ».

M. Nguyen « demande que la justice règle le cas rapidement, pour que le journaliste puisse continuer à pratiquer son travail sans le stress d’une accusation qui semble non fondée ».