Le journaliste pigiste franco-canadien Romain Chauvet a été condamné jeudi en Grèce à une peine de six mois de prison, avec sursis de trois ans. Il lui est reproché d’avoir propagé une fausse nouvelle, soit une fausse alerte à la bombe.

Joint chez lui au téléphone jeudi matin par La Presse, il était abasourdi. « J’espérais être innocenté [et] je me sens extrêmement seul. »

Comme il interjette appel de sa condamnation, il est de nouveau à la maison, il peut travailler, quitter la Grèce, aussi.

« Pendant trois ans, si aucune infraction ne m’est reprochée, je n’aurai pas à aller en prison », explique-t-il, soulignant que c’est tout de même toute une épée de Damoclès au-dessus de sa tête.

En plus d’être journaliste pigiste, il effectue une maîtrise universitaire à Athènes sur le thème des médias et des flux migratoires.

Les faits remontent au 12 octobre. Il explique qu’à titre de journaliste, il se rend ce jour-là à l’aéroport d’Athènes pour couvrir l’arrivée du premier avion y rapatriant des Canadiens en provenance de Tel-Aviv.

À une agente d’information de l’aéroport, poursuit-il, il raconte avoir demandé à quelle heure arrivait le vol, pour quelle raison il n’était pas affiché au tableau électronique et s’il était en cours.

La conversation s’est arrêtée là, dit-il, ajoutant qu’elle lui a répondu poliment avec un sourire.

Il a pourtant été ensuite arrêté et a passé une nuit dans une cellule.

Ce matin, lors de la comparution, dit-il, l’employée a réitéré sa version, à savoir qu’il lui aurait dit qu’il y avait une bombe dans l’avion.

Sur la foi « d’un seul témoignage qui sort de nulle part et sans preuve, je suis condamné », dit-il.

Les informations sur le vol étaient publiques, le gouvernement canadien avait annoncé que des Canadiens se dirigeaient vers Athènes.

Mais c’est le fait qu’il connaissait le numéro de vol qui lui a valu plusieurs questions de la police, le 12 octobre. Il relate qu’on ne lui a posé aucune question sur la bombe dont il aura supposément parlé, ce qu’il nie énergiquement.

Il note que la conversation a eu lieu en anglais, une langue que lui et l’employée maîtrisent bien.

« Je faisais seulement mon travail de journaliste. C’est extrêmement grave pour la liberté de la presse. »

La Fédération professionnelle des journalistes du Québec dit être « préoccupée par ce verdict expéditif qui semble n’être fondé que sur la base d’un seul témoignage, qui contredit les affirmations du journaliste qui n’avait aucun intérêt à commettre un crime et [qui] attendait le débarquement de passager d’un vol, dans le cadre de son travail. Nous souhaitons qu’un regard sérieux et complet soit posé par le tribunal d’appel, le plus rapidement possible. Considérant les zones d’ombre dans ce dossier, Ottawa se doit également d’intervenir, afin de s’assurer que le journaliste ait eu droit à un traitement juste et équitable durant les procédures ».

Pavol Szalai, responsable du bureau de Reporters sans frontières dans les Balkans, a appelé la justice grecque « à tenir compte de la faiblesse des éléments retenus contre Romain Chauvet dans un dossier qui ne tient pas debout. Pourquoi un journaliste qui s’est signalé auprès des autorités aéroportuaires ferait-il une fausse alerte, pour ensuite rester dans l’aéroport dans l’attente de se faire arrêter ? Alors que la police s’est précipitée pour désigner le journaliste coupable auprès des médias, RSF appelle la justice grecque à faire preuve d’indépendance et d’impartialité ».

Affaires mondiales Canada indique être au courant d’un incident impliquant un Canadien en Grèce. « Les fonctionnaires canadiens continuent de suivre la situation de près, collaborent avec les autorités locales et fournissent une assistance consulaire. Pour des raisons de confidentialité, aucune autre information ne peut être divulguée. »