Statistique Canada, dans une initiative peu habituelle, a tenu à défendre sa méthodologie d’estimation du nombre de résidents temporaires au Canada, dont l’exactitude a été récemment remise en cause par des experts.

« Nos méthodes sont robustes et transparentes », a affirmé un spécialiste de l’agence, dans le cadre d’une séance d’information ayant pour objectif de décrire la démarche employée par Statistique Canada pour la production des données du recensement sur cette question, qui seront rendues publiques le 27 septembre.

Les critiques sur les estimations des résidents non permanents (RNP, soit les étudiants étrangers, les travailleurs temporaires et les demandeurs d’asile) sont d’abord venues de l’économiste en chef adjoint de CIBC, Marchés mondiaux, Benjamin Tal, qui a publié un rapport le 30 août, dans lequel il estime qu’il pourrait y avoir un million de RNP de plus au pays que ne l’indiquent les données du gouvernement. La principale raison de cet écart serait qu’on tient pour acquis que les résidents temporaires ont quitté le pays au plus tard 30 jours après l’expiration de leur visa.

En 2021, le nombre de résidents non permanents était estimé à un million, au Canada. M. Tal croit que ce nombre est plutôt de deux millions, voire davantage.

Une autre étude, de l’Institut C.D. Howe, porte sur l’estimation de l’emploi et note une importante différence, elle aussi d’un million de personnes, entre le nombre de résidents temporaires qui font partie de la main-d’œuvre, selon l’Enquête sur la population active de Statistique Canada (EPA), et le nombre de résidents temporaires dénombrés par Immigration Canada.

Des données importantes

L’estimation des résidents non permanents est importante pour plusieurs raisons, notamment pour évaluer les besoins en logement, déterminer le niveau des transferts fédéraux à chaque province en fonction de la population, ou même calculer le PIB par habitant.

Statistique Canada n’a pas voulu répondre aux arguments de ces études, disant que c’est à leurs auteurs de les défendre. Après avoir insisté sur l’exactitude de ses résultats, l’agence a plutôt montré comment elle surmontait les difficultés inhérentes à l’estimation des résidentes temporaires.

Elle a aussi indiqué avoir revu sa méthodologie pour tenir des délais de traitement d’Immigration Canada.

« Bien que Statistique Canada ait des processus en place pour dénombrer la population entière, et que l’organisme procède à des activités de suivi, les résidents non permanents peuvent être difficiles à joindre et parfois, ils n’ont pas l’occasion de remplir leur questionnaire du recensement », a reconnu Statistique Canada, ajoutant que les études « permettent d’estimer le nombre de personnes qui n’ont pas été dénombrées dans le cadre du recensement, mais qui auraient dû l’être, ainsi que le nombre de personnes qui ont été dénombrées plus d’une fois ».

Des indicateurs indirects

L’agence fédérale a également mis en relief des éléments qui permettent de corroborer la justesse de ses données de façon indirecte.

Tout d’abord à travers l’analyse des dépenses de consommation. Les données pour les dépenses alimentaires en volume constituent une façon indirecte de mesurer l’évolution d’une population puisque toutes les personnes qui résident au Canada doivent manger, quel que soit leur statut légal. Or, après un sursaut pendant la pandémie, ces dépenses ont amorcé une baisse qui les ramène à leur niveau prépandémique, une trajectoire qui serait impossible s’il y avait une augmentation importante non mesurée de la population de résidents temporaires.

Un autre élément de corroboration provient de la comparaison des résultats de deux grandes enquêtes mensuelles sur le marché du travail réalisées par Statistique Canada : l’Enquête sur la population active (EPA) et l’Enquête sur l’emploi, la rémunération et les heures de travail (EERH). Ces deux études reposent sur des approches différentes, la première par sondage, la seconde par analyse de données administratives. Mais dans les deux cas, les résultats évoluent de façon similaire. S’il y avait, selon l’organisme, des problèmes de sous-estimation des résidents non permanents, les deux indicateurs auraient tendance à s’écarter.