Le nombre de colis interceptés par Postes Canada puisqu’ils contenaient des produits interdits, principalement de la drogue et de l’alcool, n’a cessé d’augmenter depuis 10 ans. L’année 2022 a établi un nouveau sommet avec 4050 colis retirés de la circulation, selon des chiffres obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.

Ce qu’il faut savoir

  • Le nombre d’interceptions de colis interdits par Postes Canada n’a cessé d’augmenter depuis dix ans et a atteint un sommet en 2022, montrent des données obtenues par La Presse.
  • La récolte de l’an dernier est principalement due à deux projets spéciaux : l’un vise le courrier envoyé dans les « communautés nordiques », tandis que l’autre, baptisé « MTL », demeure mystérieux.
  • La marchandise prohibée envoyée partout au Canada provient en très forte proportion de la Colombie-Britannique.

Il s’agit d’un bond de 13,7 % par rapport à l’année précédente (3562) et d’une explosion de 538,8 % en cinq ans.

La récolte de 2022 s’explique principalement par les saisies liées au projet « communautés nordiques ». À lui seul, il a représenté plus de la moitié des interceptions, soit 2099. Un projet spécial, qui semble avoir été mis en place l’an dernier et simplement baptisé « MTL » dans un tableau consulté par La Presse, pèse aussi dans la balance ; il fait état de 1080 inspections. Malgré nos demandes répétées, Postes Canada n’a pas voulu nous accorder d’entrevue ni expliquer la nature de ce programme.

Les vérifications qui ne sont pas liées à un « projet » spécifique ont considérablement baissé en 2022 (781) par rapport à 2021 (2270) et 2020 (1588). Il est à noter que ces chiffres excluent les envois qui proviennent de l’étranger, inspectés par l’Agence des services frontaliers du Canada.

« Nous coopérons avec les forces de l’ordre locales et nationales et les agences gouvernementales pour protéger notre clientèle et notre personnel, et veiller à la sécurité du système postal, indique dans un courriel Phil Rogers, responsable des relations avec les médias. Nous menons, entre autres, des enquêtes conjointes et collaborons pour exécuter des mandats de perquisition. »

Destination Nord

M. Rogers explique que le projet « communautés nordiques » provient d’une stratégie de réconciliation avec les communautés autochtones et du Nord. Dans son Rapport sur le développement durable, l’entreprise affirme avoir inspecté en 2022 plus de 3500 articles de courrier livrés dans ces populations. « Ces inspections nous ont permis de retirer de la circulation un nombre d’objets inadmissibles d’une valeur estimée de 4,24 millions, explique le porte-parole. Dans les autres communautés, nous avons repéré et éliminé des substances illicites supplémentaires d’une valeur marchande de 11,5 millions de dollars. »

L’équipe des Services de sécurité et d’enquête de Postes Canada souligne avoir tenu 120 séances de sensibilisation auprès notamment de commis des postes, de chefs de communautés autochtones et de forces de l’ordre locales. L’accent a été mis, indique le service postal, « sur la collaboration avec les communautés nordiques où la vente d’alcool est interdite, soit celles des Territoires du Nord-Ouest, du nord du Manitoba, du nord du Québec et du Nunavut. »

Fait à noter : les résidants du Yukon, du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest représentent 0,2 % des expéditeurs de colis interceptés, mais environ 5 % des destinataires au Canada, selon notre analyse de près de 32 000 inspections effectuées par la société postale du 9 janvier 2013 au 1er mars 2023.

Pour ces territoires ainsi que pour l’ensemble du Canada, la majorité des colis confisqués (57 %) depuis dix ans proviennent de la Colombie-Britannique, une province plus libérale en matière de drogue. La possession de petites quantités de plusieurs substances y est dépénalisée depuis janvier 2023 et de nombreux trafiquants en ligne y sont établis.

L’Ontario (12,1 %), l’Alberta (5,8 %) et le Québec (4,1 %) suivent de loin dans le palmarès des départs d’envois illicites. Il est à noter que le lieu de provenance n’est pas précisé pour 17 % des colis saisis listés dans le document fourni par la société de la Couronne.

De la C.-B. vers l’Ontario

Pour les expéditions dont la destination était précisée, ce sont 93,8 % des colis retirés de la circulation qui étaient expédiés à l’intérieur du Canada, contre 6,2 % hors frontières, à peu près en parts égales en Europe, aux États-Unis et ailleurs dans le monde.

Au pays, l’Ontario (31,2 %), le Québec (16,7 %), l’Alberta (13,7 %) et la Colombie-Britannique (13,5 %) hébergent la forte majorité des destinataires de contenus illicites. En nombre absolu, le trajet le plus fréquent de drogues et d’autres substances prohibées livrées par Postes Canada est de la Colombie-Britannique vers l’Ontario (4623).

Les colis dont la route vers le Québec a été interrompue proviennent majoritairement de la Colombie-Britannique (2603), suivie de loin par l’Ontario (341). Les envois illégaux à partir du Québec alimentent principalement le Québec lui-même (53,3 %), puis l’Ontario (15,8 %).

Les documents obtenus par La Presse montrent que le nombre de saisies de Postes Canada a nettement bondi à partir de 2019. Cette année-là, l’entreprise postale « a formé une nouvelle équipe d’inspecteurs et inspectrices des postes afin de répondre aux préoccupations croissantes en matière de sécurité publique découlant de l’expédition d’objets inadmissibles par la poste », indique le relationniste Phil Rogers.

En outre, précise-t-il, Postes Canada a mis en œuvre des technologies de contrôle à Vancouver, Winnipeg, Toronto et Montréal « pour appuyer les efforts de détection et de retrait » de contenus prohibés.

Avec la collaboration de William Leclerc, La Presse, ainsi que de Clara Michel et Zakaria Sassioui, de l’équipe de la science des données de La Presse