Après un premier dépotoir illégal à Kanesatake, un deuxième lieu de stockage et de remblayage en bordure de la rivière des Outaouais est visé par le ministère de l’Environnement. Vendredi, l’entreprise s’est fait ordonner de cesser ses activités et de remettre le terrain dans son état original. Une « décision politique », dénonce son directeur, Jean-Sébastien Sears-Pépin.

Depuis 2020, l’entreprise Distribution Top Layer, située sur le rang Sainte-Philomène à Kanesatake, dans les Basses-Laurentides, a fait l’objet d’inspections du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs.

Située en bordure de la rivière des Outaouais, Distribution Top Layer a notamment effectué des activités de remblayage non autorisées dans le littoral et des zones inondables de la rivière, selon le Ministère.

L’entreprise a aussi entreposé des matériaux alors que « le site ne constitue pas un lieu où le stockage, le traitement ou l’élimination de matières résiduelles est autorisé par le ministre », indique aussi le Ministère dans son ordonnance rendue vendredi.

Lors de ses inspections, le Ministère affirme que des débris, comme du béton, des briques, de l’asphalte et des tiges de métal, émergeaient du remblai ou étaient présents sur le terrain. Des sédiments en provenance du remblai ont été rejetés dans la rivière des Outaouais.

Des analyses de sol montraient aussi un niveau de contamination supérieur à ce qui est permis par la réglementation.

L’entreprise avait déjà reçu divers avertissements. Elle ne s’est malgré tout pas soumise à la Loi sur la qualité de l’environnement, estime le Ministère.

« Pas leur juridiction »

Distribution Top Layer est situé à environ quatre kilomètres de G & R Recyclage, l’entreprise qui a fait les manchettes le printemps dernier pour être devenue un dépotoir illégal dirigé par des administrateurs au lourd passé criminel, les frères Robert et Gary Gabriel.

Joint au téléphone, M. Sears-Pépin a confirmé à La Presse que son entreprise entrepose des matériaux et effectue des travaux sur le terrain visé par le Ministère. Il dit être un entrepreneur pour l’entreprise montréalaise Liaison Terrex, une information confirmée dans le rapport du ministère de l’Environnement.

« J’ai été engagé par une compagnie pour faire des travaux de nivellement du terrain, donc c’est comme si j’allais faire une salle de bains chez vous et que la Ville demandait de l’enlever », dit M. Sears-Pépin.

Son entreprise est toutefois bien enregistrée à l’adresse où le Ministère a observé les manquements à la Loi sur la qualité de l’environnement.

Selon lui, par ailleurs, le ministère de l’Environnement n’a pas compétence pour intervenir à cet endroit. L’entreprise est située sur le territoire de la communauté mohawk de Kanesatake. Par conséquent, le terrain appartient au gouvernement du Canada.

« Peu importe comment ils regardent ça, c’est comme si le Ministère allait en Ontario et leur disait quoi faire », estime M. Sears-Pépin.

Le ministère de l’Environnement reproche à M. Sears-Pépin de ne pas avoir reçu d’autorisation pour utiliser l’endroit comme lieu de stockage ou d’entreposage de matières résiduelles. M. Sears-Pépin, lui, affirme qu’il n’avait pas besoin de permis. « Le grand chef à l’époque a dit publiquement que ce qu’on fait, c’est correct », lance-t-il. « Pourquoi ce n’est pas la communauté qui vient me dire que ce que je fais, ce n’est pas correct ? », demande-t-il.

Il ne considère pas non plus que ses activités représentent un risque pour l’environnement. « Ça ne m’inquiète pas, déclare-t-il au bout du fil, parce qu’il n’y a pas de dépôt dans la rivière. Ce n’est pas un danger, du moins pas pour les poissons ou l’écosystème. »

Une zone de « non-droit »

Au printemps, des membres de la communauté mohawk avaient dénoncé publiquement le fait que les lois environnementales ne s’appliquaient pas de la même façon dans la réserve qu’ailleurs au Canada.

La Presse avait aussi pu déterminer que les eaux contaminées s’écoulant du dépotoir de G & R Recyclage dépassaient de 144 fois la concentration de sulfures jugée sûre pour la survie des poissons.

M. Sears-Pépin, lui, refuse d’être associé à G & R Recyclage. À son sens, le Ministère s’en prend à lui parce qu’« il essaie de rentrer sur les terres qui ne sont pas sous sa juridiction ».

« C’est sûr que ce n’est pas plaisant, ça pourrait me causer des charges criminelles, je pourrais aller en prison pour ça, craint-il. Est-ce que ça me stresse ? Oui. Est-ce que je trouve ça difficile ? Oui. [Le Ministère] me cause préjudice pour une décision politique. »