Les mesures sanitaires reviennent hanter deux Montréalais. Un père et son fils ont reçu fin juin une amende de 6250 $ chacun après une escapade de quelques heures aux États-Unis faite il y a plus d’un an et demi. Ils se disent d’autant plus surpris qu’ils assurent avoir suivi les règles de quarantaine en vigueur à l’époque.

À la fin de l’automne 2021, un vent d’espoir se fait sentir alors que la pandémie de COVID-19 semble enfin s’essouffler. Le Canada et les États-Unis assouplissent brièvement leurs mesures sanitaires – avant de devoir faire marche arrière avec l’arrivée du variant Omicron. Mais pendant quelques semaines, voyager était redevenu possible.

Chen Ning Li et son père, Jian Feng, en profitent pour se rendre le 26 novembre 2021 à Plattsburgh pour acheter des chèques estampillés par le United States Postal Service (USPS), raconte le jeune homme de 24 ans. Il cherchait alors à obtenir un permis d’enseignement pour l’Arizona et devait pour ce faire joindre un tel chèque à sa demande.

Les deux hommes décident de passer l’après-midi à « déambuler » dans cette ville située à une quarantaine de kilomètres de la frontière. « J’avais seulement pris connaissance des conditions d’entrée aux États-Unis », raconte Chen Ning Li. Son père et lui étant entièrement vaccinés contre la COVID-19, ils ont pu traverser la frontière vers le sud sans histoire.

C’est au moment de rentrer au Canada, quelques heures plus tard, qu’ils apprennent qu’il leur faut « montrer un test de dépistage négatif ». Un agent des services frontaliers les informe toutefois qu’à défaut de fournir un test négatif, il était possible de faire une quarantaine de 14 jours à domicile.

Chen Ning Li et Jian Feng Li décident de choisir cette seconde option. Une fois la frontière passée, ils s’arrêtent à un « poste secondaire », où un médecin de l’Agence de la santé publique du Canada leur remet un test de dépistage qu’ils pourront réaliser chez eux.

On a respecté tous les protocoles et toutes les consignes qu’on nous a donnés [à ce moment-là]. On nous a dit que si le résultat de ce test était négatif, on pourrait mettre fin à notre quarantaine.

Chen Ning Li

Dès le lendemain, ils réalisent donc un test à distance, conformément aux consignes reçues. Le test de dépistage est supervisé par visioconférence par un membre du personnel de Dynacare, une société de laboratoires privés.

MM. Li laissent ensuite les échantillons prélevés sur le pas de leur maison de l’arrondissement de Saint-Laurent pour qu’une personne les récupère et les apporte en laboratoire. Le dimanche, explique Chen Ning Li, son père et lui ont reçu la confirmation que leurs tests étaient négatifs – leur quarantaine était ainsi levée.

La marche à suivre décrite par M. Li est conforme à celle qui se trouve sur le site de Dynacare.

Comme un fantôme du passé

Jusqu’à récemment, Chen Ning Li ne gardait qu’un lointain souvenir de cet épisode. Or, le 28 juin dernier, un dur – et onéreux – rappel lui est arrivé par la poste. M. Li et son père ont tous deux reçu un constat d’infraction, que La Presse a pu consulter, assorti d’une amende de 5000 $. Avec les frais, la somme qui leur est réclamée s’élève à 6250 $ chacun.

Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) leur reproche de ne pas s’être conformés à un « décret interdisant ou assujettissant à des conditions l’entrée au Canada ». Le tout, le soir du 26 novembre, à Saint-Bernard-de-Lacolle, tout juste après qu’ils sont entrés au pays.

M. Li ne s’explique pas cette mauvaise surprise, d’autant qu’on « leur avait assuré [qu’ils] pouvaient bel et bien entrer au Canada » s’ils obtempéraient à la quarantaine.

La fin de l’année 2021 a vu de nombreux changements aux règles d’entrée au pays. Des assouplissements ont notamment eu lieu peu avant qu’Ottawa resserre de nouveau, vers la mi-décembre, les mesures d’entrée au pays en raison de la menace du variant Omicron.

Le 8 novembre, les frontières terrestres entre le Canada et les États-Unis avaient rouvert aux voyages non essentiels. Le 30 novembre, quelques jours seulement après l’escapade de MM. Li, entrait en vigueur une exemption de présenter un test pour les personnes rentrant au pays après un séjour de moins de 72 heures aux États-Unis. Cette mesure avait toutefois été annoncée par Ottawa le 19 novembre – elle circulait abondamment dans les médias au moment où MM. Li ont voyagé.

Joint par La Presse, le DPCP n’a pu fournir davantage d’information « puisque le processus judiciaire est en cours ». Chen Ning Li ignore quant à lui si la confusion qui régnait alors chez bon nombre de voyageurs a pu confondre également la personne qui a pris son père et lui en défaut. Chose certaine toutefois, il n’en démord pas : « J’ai fait ce qu’on m’a dit de faire. »