Des lacs aux niveaux dangereusement élevés, des débris qui flottent à la surface, une eau « très très brune ».

En ce début de vacances de la construction, c’est bel et bien l’urgence qui restreint ces jours-ci l’accès aux lacs Memphrémagog et Massawippi, en Estrie, et non pas la volonté de faire fuir les touristes de ces lieux très fréquentés par les amateurs de bateaux à moteur.

Tel est le portrait que brosse Michèle Gérin, figure de proue de la lutte environnementale au lac Massawippi pendant 14 ans, qui a tiré sa révérence l’an dernier.

« Aujourd’hui, je ne vois personne sur le lac, et quiconque s’y aventurerait en bateau à moteur et viendrait y faire des vagues serait vraiment très mal vu », avance Mme Gérin, qui dit s’exprimer ici en sa qualité de simple riveraine.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Michèle Gérin, au lac Massawippi l’été dernier

« En 60 ans, je n’ai jamais vu le lac aussi haut », souligne-t-elle.

C’est que les derniers jours ont été pénibles pour les résidants de la région. Les riverains ont dû ranger leur quai et leurs embarcations et, souvent, nettoyer leurs terrains.

« Et pas besoin d’être biologiste pour comprendre que ce n’est sans doute pas le moment de se baigner dans le lac Massawippi », dit-elle, soulignant que la couleur de l’eau n’est pas très invitante.

Quand j’entends aussi parler de tous ces endroits au Québec où les égouts ont débordé, je me demande quelle est la qualité de l’eau des plans d’eau environnants.

Michèle Gérin

Bonne question, mais en fin de semaine, impossible de le savoir et de joindre quiconque au ministère de l’Environnement.

Limiter les rejets d’eaux usées

Johanne Lavoie, présidente de l’organisme Memphrémagog Conservation, raconte que déjà, la semaine dernière, se méfiant elle aussi de la qualité de l’eau, elle s’est assurée « de passer sous la douche tout de suite après », quand elle a dû aller dans le lac pour sécuriser son quai.

Les grosses quantités de pluie des derniers jours ont entraîné tout un brassage de sédiments dans le lac Memphrémagog, note Mme Lavoie. À cela s’ajoutent les effets des déluges récents au Vermont. Et c’est sans compter le fait méconnu que le plus gros dépôt d’ordures au Vermont « se trouve à la tête du lac Memphrémagog », ce qui suscite des inquiétudes quant au lixiviat (le jus de déchets, quoi) dont on redoute qu’il se rende jusqu’au plan d’eau.

Le niveau du lac Memphrémagog est si haut que depuis le 12 juillet, la Ville de Magog diffuse des avis demandant à tous ses résidants desservis par les réseaux de distribution d’eau et d’égouts de réduire au maximum leur consommation d’eau potable pour limiter les rejets d’eaux usées vers les réseaux d’égout.

Il est demandé aux citoyens d’utiliser l’eau potable à l’extérieur des heures de pointe et de réduire au maximum l’utilisation des bains, douches, toilettes, lave-vaisselle et eau du robinet.

Direction la plage, alors, pour se changer les idées ? « Des plages, à Magog, il n’y en a plus. Elles sont submergées », répond Mme Lavoie.

« Sur le lac Memphrémagog, ces derniers jours, des quais entiers flottaient, des chaises, des troncs d’arbres… », note-t-elle encore.

Au-delà de toute considération sur la qualité de l’eau, ces jours-ci, c’est donc de façon directe la sécurité nautique qui impose les restrictions à la navigation, selon elle.

Déception pour les plaisanciers

Pour Francis Girard, qui est vice-président de l’Association des pêcheurs sportifs du Québec, c’est la déception.

Il comprend certes que la situation est exceptionnelle dans l’Estrie et que le niveau d’eau puisse, ces jours-ci, justifier la fermeture ponctuelle de rampes de mises à l’eau de bateaux.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Francis Girard, vice-président de l’Association des pêcheurs sportifs du Québec

Ce qu’il ne comprend pas, cependant, c’est que les rampes de mises à l’eau de bateaux soient inaccessibles, et depuis plusieurs jours déjà, « mais que la navigation pour les riverains soit, elle, autorisée » au lac Memphrémagog.

Sur son site internet, la Ville de Magog demande aux résidants de « limiter la navigation au maximum », mais sans la prohiber.

Dans les circonstances, où les plaisanciers peuvent-ils aller ? M. Girard se plaint de la difficulté grandissante d’avoir accès à des plans d’eau, même en temps normal. (Plusieurs municipalités imposent des frais pour l’accès aux rampes de bateau, souvent sous la pression de résidants exaspérés que les lacs soient pris d’assaut par beaucoup de bateaux à moteur bruyants.)

Il y a quelques années à peine, « sur le fleuve Saint-Laurent, il y avait une trentaine d’endroits où les gens pouvaient mettre leur bateau à l’eau. Il n’en reste plus que six ou sept ».

« Ce n’est pas nous, les pêcheurs, qui tournons en rond sur les lacs et qui faisons des vagues », note M. Girard, admettant dans le même souffle se désoler que « certains pêcheurs colons laissent des cochonneries par terre » après leur passage.

Pour bien des gens qui comptaient enfin prendre le large en juillet, les vacances de la construction commencent sous de tristes auspices.