(Québec) Les autres villes du Québec, et notamment la métropole, ne sont pas à l’abri d’une grève qui paralyse entièrement leurs transports en commun, a averti lundi Bruno Marchand, au troisième jour d’un conflit qui frappe durement bien des usagers de la capitale.

Ce qu’il faut savoir

  • Sans convention de travail depuis un an, les 935 chauffeurs d’autobus du Réseau de transport de la Capitale sont entrés en grève samedi dernier.
  • Le Tribunal administratif du travail a conclu qu’ils n’étaient tenus d’offrir aucun service minimal, puisque le transport collectif n’est pas un service essentiel.
  • Le maire de Québec s’indigne et demande au gouvernement Legault de revoir la loi.

« Le cas d’espèce qu’on vit ici ne sera pas unique à Québec. Montréal, Laval, Longueuil ou Rimouski vont se retrouver dans la même situation », a prévenu le maire de Québec lors d’un point de presse lundi. « On ne peut pas avoir zéro transport collectif. Pendant trois jours, c’est compliqué. Imaginez si ça dure. »

Les 935 chauffeurs du Réseau de transport de la Capitale (RTC) ont déclenché une grève samedi dernier, jusqu’au 16 juillet. Tous les services d’autobus ordinaires de Québec sont donc à l’arrêt depuis trois jours. La Ville craint les impacts sur les usagers habituels, mais aussi sur les milliers d’utilisateurs occasionnels durant le Festival d’été de Québec (FEQ), qui aura lieu du 6 au 16 juillet.

Cette grève des chauffeurs est singulière dans la mesure où ceux-ci ne sont pas tenus d’assurer un service essentiel comme dans des conflits précédents. Des modifications apportées par le gouvernement Legault en 2019 font en sorte que c’est désormais le Tribunal administratif du travail (TAT) qui doit décider si les transports en commun sont un service essentiel.

PHOTO FOURNIE PAR LE CONSEIL CENTRAL DE QUÉBEC CHAUDIÈRE-APPALACHES – CSN

Les membres du Syndicat des employés du transport public du Québec métropolitain ont amorcé une grève qui se poursuivra jusqu’au 16 juillet inclusivement, à moins qu’un accord soit conclu d’ici là.

Le juge administratif Pierre-Étienne Morand a tranché le 9 juin dernier qu’ils ne l’étaient pas. « Le service de transport en commun qu’offrent les chauffeurs du RTC ne constitue pas un ‟service essentiel”, en ce sens qu’il ne s’agit pas d’un service dont l’interruption pendant la grève ‟peut avoir pour effet de mettre en danger la santé ou la sécurité publique” », écrit-il dans sa décision.

Pas de service essentiel, c’est chaotique. La prochaine fois, ce seront d’autres villes aux prises avec le même problème. Qu’est-ce que ça fait, pas de service essentiel ? Ça piège les citoyens, ça débalance le rapport de force de façon importante.

Bruno Marchand, maire de Québec

La Chambre de commerce et d’industrie de Québec (CCIQ) presse les deux parties de s’entendre au plus vite. Certains employeurs de la région doivent payer des taxis à leurs employés. « Ça peut dépanner quelques jours, parce qu’il ne faut pas que ça se poursuive », dit le PDG de la CCIQ, Steeve Lavoie.

« Cette grève touche toutes les sphères de la société, de la préposée aux bénéficiaires qui doit aller soigner les gens au machiniste qui doit aller à l’usine. Moi-même, j’ai un employé qui n’a pas de permis de conduire », lance M. Lavoie.

Un enjeu salarial

Le maire Marchand confirme que l’offre salariale est au cœur du problème. Selon lui, le RTC a déposé une offre « sérieuse », mais ne peut pas se permettre d’accéder aux demandes syndicales. « Est-ce réaliste pour les citoyens, pour le budget du RTC ? La réponse est non, dit-il. Il faut trouver l’équilibre entre notre capacité de payer […] et la capacité de donner aux chauffeurs un salaire qu’ils méritent. »

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Le maire de Québec, Bruno Marchand

Le syndicat rappelle que ses chauffeurs sont sans contrat de travail depuis un an. « Nous avons mis les efforts nécessaires pour en arriver à une entente, mais malheureusement, l’horloge a sonné », indique Hélène Fortin, présidente du Syndicat des employés du transport public du Québec métropolitain.

La Ville n’a pas dévoilé publiquement son offre ni le syndicat, ses demandes. Les négociations doivent reprendre mardi, et seront cruciales pour le FEQ. Plusieurs festivaliers utilisent normalement un service de navettes offert par le RTC.

Bruno Marchand pense qu’une entente peut encore survenir avant le début du festival. « On y travaille très fort. Le RTC et le syndicat aussi, je pense », dit-il.

Revoir la loi ?

Le maire de Québec pense que le gouvernement ne pourra faire autrement que de revoir sa loi. « Changer la loi n’aura pas d’effet ce coup-ci. Mais le gouvernement n’aura pas le choix, croit-il. Cette question des services essentiels est surréelle. Qu’en 2023, on n’ait pas de système de transport collectif assuré par un minimum de service essentiel, c’est problématique. »

Le ministre du Travail, Jean Boulet, n’a pas voulu réagir lundi. Mais son cabinet a fait savoir qu’il le fera mardi.

Dans le passé, le gouvernement du Québec a adopté des décrets ordonnant le maintien des services essentiels en cas de grève dans les transports en commun à Québec, Montréal, Laval et Longueuil.

Mais des modifications au Code du travail apportées en 2019 stipulent que c’est désormais le TAT qui doit déterminer s’il faut assurer des services essentiels en cas de grève.

Devant le TAT, la Ville de Québec avait fait valoir que des usagers de l’autobus ne pourraient se rendre à leurs rendez-vous médicaux, ou encore qu’une grève augmenterait de manière significative la congestion routière, entravant les ambulances et les voitures de patrouille. Le juge administratif n’a pas été convaincu.

« Certes, une grève des chauffeurs d’autobus provoquera des désagréments, des incommodités, des ennuis pour le grand public de la capitale nationale et de sa périphérie, mais la grève a justement vocation à déranger, faut-il le rappeler », a-t-il écrit dans sa décision.