Les services de renseignement canadiens mettent en garde la population contre des espions chinois qui tentent actuellement de recruter des collaborateurs sur le réseau social LinkedIn à travers des offres d’emploi bidon.

Ce qu’il faut savoir

  • Depuis 2021, le contre-espionnage canadien affirme ouvertement que le régime chinois tente de voler des technologies canadiennes.
  • Plusieurs personnes ont été accusées au Canada et aux États-Unis en lien avec le transfert illégal de secrets industriels ces dernières années.
  • Selon les autorités canadiennes, les espions chinois utilisent actuellement le réseau social LinkedIn pour cibler des Canadiens qui détiennent des informations sensibles et tenter de les contacter.

Le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), l’organisme fédéral chargé du contre-espionnage, a publié un avertissement sur les réseaux sociaux à ce propos, en soulignant que la manœuvre vise des Canadiens qui se trouvent en Chine pour diverses raisons, mais aussi d’autres qui se trouvent à l’extérieur de la Chine.

Selon le SCRS, les espions chinois utilisent des intermédiaires appelés « agents de ciblage » qui écument le réseau social LinkedIn, basé sur le parcours professionnel des utilisateurs et les occasions d’emploi.

« Ils cherchent des personnes qui s’affairent activement à se trouver du travail dans des secteurs stratégiques ou qui ont des titres de compétence recherchés », affirme le SCRS.

Ces intermédiaires se présentent comme des recruteurs de ressources humaines ou des experts-conseils. Après une première prise de contact sur LinkedIn, ils invitent leur cible à poursuivre les échanges sur une autre plateforme, comme WeChat, WhatsApp ou par courriel, affirment les services de renseignement canadiens. On leur offre alors une occasion professionnelle en lien avec leurs compétences, sans leur dévoiler pour qui ils travaillent vraiment ni dans quel but.

Les cibles sont payées pour rédiger des rapports pour les ‟experts-conseils” du client. Elles pourraient également être invitées à des réunions avec le ‟client”. L’expert et le client sont en fait des agents de renseignement.

Le Service canadien du renseignement de sécurité dans son avertissement public

« Les nouvelles recrues commencent alors à recevoir des paiements en échange d’informations confidentielles et protégées d’intérêt pour la République populaire de Chine », poursuit l’avertissement.

Les universités visées

Un porte-parole du SCRS, Eric Balsam, a refusé de chiffrer l’ampleur du phénomène et de préciser depuis quand les services de contre-espionnage canadiens s’en inquiètent, lorsque La Presse l’a questionné à ce sujet.

« Compte tenu de l’importance de protéger nos activités, nos techniques, nos méthodes et nos sources de renseignement de nature sensible, d’importantes restrictions s’appliquent quant aux informations dont je peux vous faire part », a expliqué M. Balsam.

Il a toutefois précisé que les universités sont notamment visées par ce genre de campagnes étrangères.

Plusieurs établissements universitaires canadiens sont des chefs de file mondiaux dans divers secteurs de l’économie, de la technologie et de la recherche qui présentent un intérêt pour des acteurs des forces militaires et des services de renseignement étrangers.

Eric Balsam, porte-parole du Service canadien du renseignement de sécurité

M. Balsam a aussi rappelé que de récents rapports publics du SCRS ont souligné que le gouvernement chinois a recours à des gens sans formation spécifique liée au monde du renseignement, par exemple « des scientifiques et des gens d’affaires », pour mettre la main sur des secrets technologiques à l’étranger.

« Cela dit, soyons clairs : la menace n’émane pas des Chinois, mais bien du Parti communiste chinois et de l’appareil de la sécurité qui exécute une stratégie visant à faire des gains géopolitiques sur tous les fronts (économie, technologie, politique et armée). Ainsi, le Parti communiste exploite tous les éléments de pouvoir étatique dont il dispose pour mener des activités qui menacent directement la souveraineté et la sécurité nationale du Canada », a précisé le porte-parole.

Dans la foulée des Américains

Il est rare que les services de renseignement canadiens identifient spécifiquement une entreprise dans leurs avertissements, comme ils le font avec LinkedIn, propriété du géant Microsoft.

Le SCRS suit dans ce cas les traces des États-Unis. En 2019, Kevin Mallory, un retraité de la CIA qui avait été contacté par un recruteur au service de Pékin sur LinkedIn, a été condamné à 20 ans de prison par un tribunal américain pour avoir vendu des secrets du secteur de la défense. Peu après son arrestation, un haut responsable du département de la Justice américain avait lui aussi souligné l’ampleur du problème en mentionnant spécifiquement LinkedIn, où les agents au service du régime chinois contactaient apparemment des milliers de cibles à la fois.

Ce haut responsable américain, William Evanina, avait précisé que LinkedIn était « une victime », mais avait dit espérer que l’entreprise interviendrait à l’avenir de façon musclée pour freiner les activités hostiles au bénéfice de la Chine.

Au Québec, d’ex-employés d’Hydro-Québec et de l’Agence spatiale canadienne sont en attente de procès après avoir été arrêtés par la Gendarmerie royale du Canada pour avoir aidé illégalement la Chine alors qu’ils étaient en fonction dans des institutions canadiennes.