(Ottawa) L’ancien gouverneur général David Johnston a remis son rapport final — et confidentiel — sur l’ingérence étrangère au premier ministre, ce qui met fin à son mandat de rapporteur spécial sur la question.

M. Johnston avait annoncé son intention de quitter son poste de rapporteur spécial sur l’ingérence étrangère le 9 juin, citant le climat « hautement partisan » entourant sa nomination et son travail.

Avant de partir, il devait rendre un « bref rapport final », ce qui a été fait lundi.

Le Bureau du rapporteur spécial indépendant a indiqué qu’il s’agissait d’un « supplément à l’annexe confidentielle » du premier rapport, ce qui signifie qu’il ne sera pas rendu public. Au lieu de cela, une lettre d’accompagnement de deux paragraphes de M. Johnston au premier ministre Justin Trudeau a été publiée.

L’ancien gouverneur général avait été nommé au poste de rapporteur spécial sur l’ingérence étrangère en mars par le premier ministre Justin Trudeau, alors que le gouvernement était confronté à des pressions de toutes parts pour répondre aux allégations selon lesquelles la Chine aurait tenté de s’ingérer dans les deux dernières élections fédérales.

En mai, dans son rapport préliminaire, M. Johnston a conclu qu’une enquête publique et indépendante n’était pas la meilleure façon de se pencher sur le problème de l’ingérence étrangère, en raison de la nature hautement confidentielle des informations en jeu.

Le directeur du Service canadien du renseignement de sécurité, David Vigneault, avait assuré en mars à un comité de la Chambre des communes que les élections de 2019 et 2021 avaient été libres et équitables. Les dirigeants de tous les partis politiques ont également souligné qu’ils ne remettaient pas en cause les résultats de ces élections.

Pourtant, les partis d’opposition réclamaient depuis plusieurs semaines déjà une enquête publique. M. Johnston a été invité à rendre un rapport d’ici le 23 mai sur la question, à savoir si c’était la meilleure option.

Dans ce rapport initial, David Johnston a conclu qu’une enquête publique ne serait pas utile étant donné les contraintes des lois sur la sécurité nationale et la quantité d’informations classifiées qui auraient dû être traitées. Il prévoyait plutôt de tenir des audiences publiques pour éduquer les Canadiens sur la façon dont se produit l’ingérence étrangère et sur la façon de la gérer.

Ces audiences devaient inclure des témoignages de représentants du gouvernement, de responsables de la sécurité nationale et de membres de la diaspora chinoise. Le travail devait être soutenu par trois conseillers spéciaux ayant une expertise sur le renseignement de la sécurité nationale, le droit et les communautés de la diaspora.

Quelques jours après la publication du rapport, une majorité de députés ont adopté une motion non contraignante du NPD appelant M. Johnston à se retirer en raison de sa partialité présumée, le chef conservateur Pierre Poilievre l’accusant à plusieurs reprises d’être trop proche de Justin Trudeau pour examiner les actions de son gouvernement.

M. Johnston était ami avec Pierre Elliott Trudeau et a fait des voyages de ski avec la famille Trudeau quand Justin était enfant.

Dans sa lettre de démission du 9 juin, M. Johnston a déclaré que son objectif en dirigeant l’enquête du gouvernement sur l’ingérence présumée de la Chine était d’aider à renforcer la confiance dans les institutions démocratiques.

« Je constate que, compte tenu du climat hautement partisan entourant ma nomination et mon travail, mon rôle a eu l’effet opposé », écrivait-il à l’époque.

Dans sa lettre de lundi, M. Johnston a fait savoir qu’il avait fourni une copie du supplément de son rapport au Bureau du Conseil privé en anglais, et qu’il a demandé qu’il soit traduit par des traducteurs ayant les autorisations de sécurité requises.

Il a ajouté que le document sera remis au cabinet du M. Trudeau, au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, et à l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement.

« Voilà qui met fin à mon travail en tant que rapporteur spécial indépendant et ma démission est donc en vigueur dès aujourd’hui, a écrit M. Johnston. Mon équipe juridique et moi serons à votre disposition, dans la mesure où nous pouvons aider le gouvernement du Canada (ou tout organe chargé d’enquêter sur cette importante question) dans la poursuite des prochaines étapes de l’enquête sur l’ingérence étrangère. »

Vers une enquête publique ?

À la suite de l’annonce de la démission de M. Johnston, des discussions ont eu lieu en coulisses à Ottawa concernant le possible mandat d’une éventuelle enquête publique.

M. Johnston a encouragé le premier ministre Trudeau à nommer une « personne respectée, dotée d’une expérience en sécurité nationale » pour terminer le travail qu’il avait commencé, et lui a suggéré de consulter les partis d’opposition pour choisir cette personne.

De son côté, le gouvernement fédéral a remercié M. Johnston pour son travail « dans ce dossier important ».

Pendant ce temps, une lettre du 7 juin du président de l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement, ou OSSNR comme on l’appelle, a été rendue publique lundi, rappelant au gouvernement que le rapport de M. Johnston lui demandait également de divulguer des documents secrets du cabinet à l’agence pour qu’elle les examine à son tour.

Depuis lors, l’agence a affirmé que le gouvernement lui avait fourni un nombre limité de documents qu’elle avait initialement retenus en raison de la confidentialité du cabinet.

La lettre de la présidente de l’OSSNR, Marie Deschamps, indique que son examen est distinct du travail de M. Johnston et demande que tous les documents soient soumis sans aucune restriction.

L’OSSNR a entamé un examen des renseignements sur l’ingérence étrangère dans les élections fédérales de 2019 et 2021 en réponse aux reportages des médias sur l’ingérence chinoise.

Cet examen comprend l’analyse de la façon dont les renseignements ont été communiqués entre les ministères et organismes gouvernementaux.