(Lac-Mégantic) Alors que Lac-Mégantic s’apprête à commémorer les 10 ans de la tragédie ferroviaire, des travailleurs sociaux ont été mandatés pour aider les commerçants à faire face aux visiteurs qui manquent parfois de discernement et posent des questions maladroites, ou encore prennent des égoportraits avec le train en arrière-plan.

Près des deux tiers des 47 victimes qui ont péri dans le déraillement du train de la Montreal, Maine and Atlantic Railway (MMA), dans la nuit du 6 juillet 2013, se trouvaient à l’intérieur du Musi-Café, dans la rue Frontenac.

Depuis la diffusion récente des séries télévisées Mégantic et Lac-Mégantic : ceci n’est pas un accident, le populaire resto-pub a connu un nouvel engouement.

« Les gens appellent et envoient des courriels et nous disent : ‟on a vu la belle série et on veut venir vous visiter” », a expliqué la copropriétaire de l’endroit, Katie Stapels, à La Presse Canadienne.

Si la grande majorité des visiteurs sont respectueux, selon elle, d’autres manquent parfois de discernement.

« J’ai vu, à trois reprises depuis février, des gens se prendre en selfie à l’intérieur du café lorsque le train passe derrière. C’est un peu maladroit, ce n’est pas une attraction touristique [et] c’est malaisant pour les employés qui étaient là à l’époque, et pour la clientèle locale ».

Certains visiteurs veulent également « prendre des nouvelles » de certains personnages de la série Mégantic et demandent aux employés : ‟connaissais-tu telle personne ?” », a expliqué Katie Stapels.

Les personnages de la série de huit épisodes sont fictifs, mais inspirés par des gens qui existent ou existaient.

« Personne n’arrive ici avec de mauvaises intentions. Il faut les accueillir sans jugement, mais parfois, c’est difficile pour ceux qui ont vécu la tragédie », a ajouté la copropriétaire du Musi-Café.

Des questions morbides

Le manque de discernement d’une minorité de visiteurs peut également se manifester dans les rues du centre-ville.

« Il y a des gens qui vont demander aux employés des travaux publics qu’ils croisent sur la rue : ‟est-ce qu’il y avait des cadavres ici ?” », a expliqué la mairesse Julie Morin.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Julie Morin, mairesse de Lac-Mégantic

« Ça peut devenir lourd à porter pour les citoyens, alors on essaie de se donner des outils. »

La Ville a donc fait appel à « l’équipe de proximité », composée de travailleurs de la Santé publique.

Ces travailleurs sociaux ont été mandatés pour rencontrer les commerçants et les aider à répondre aux questions impertinentes, voire dérangeantes, de certains visiteurs.

« On leur fournit des questions potentielles que les touristes pourraient poser, avec des réponses toutes faites », a résumé la mairesse.

Par exemple, lorsqu’un visiteur demande à un commerçant s’il connaissait une victime de la tragédie, et que celui-ci n’a pas envie d’en discuter, on lui suggère de répondre « qu’à Lac-Mégantic, tout le monde connaissait une victime ».

Une commémoration sobre

La Ville de Lac-Mégantic soulignera dans deux semaines les 10 ans de la tragédie et la communauté souhaite que la commémoration se fasse dans la sobriété.

« C’est normal que les gens veuillent venir à Lac-Mégantic, c’est vraiment une histoire qui a touché tout le monde. On veut juste que les gens soient bienveillants », a indiqué la mairesse Morin.

Les touristes qui souhaitent en apprendre plus sur la tragédie et sur le chemin parcouru par les Méganticois depuis le 6 juillet 2013 sont invités à visiter l’exposition à la gare patrimoniale ou encore la Maison du temps, un site d’interprétation situé au centre-ville.

« Il y a une petite maison, près du déraillement, qui a été installée […] pour les visiteurs. Ils peuvent entrer à l’intérieur et avoir une vitrine sur l’endroit où était le déraillement, parce que les gens le cherchent, les touristes veulent voir c’est où, mais les citoyens eux, ils ne veulent pas le voir, alors on ne peut pas mettre un gros point rouge ou un drapeau sur lequel on écrit ‟c’est ici”, parce qu’ici, le quotidien de la vie, ce n’est pas la tragédie », a expliqué la mairesse.

Afin de souligner les 10 ans du tragique déraillement, « une ligne du temps », qui rappelle les moments importants pour la communauté, est installée dans la rue Frontenac.

L’église Sainte-Agnès ouvrira ses portes pendant 24 heures du 5 au 6 juillet ; une messe commémorative et des concerts sont prévus.

Au Musi-Café, la copropriétaire Katie Stapels, qui prévoit un été « très occupé », a néanmoins opté pour une programmation culturelle sobre lors des commémorations.

Des politiciens et de nombreux médias sont attendus pendant les quelques jours où le triste anniversaire sera souligné.

L’arrivée des journalistes fait d’ailleurs partie des « drapeaux rouges » que les citoyens ont soulevés, a indiqué Julie Morin.

« Il faut prendre le temps de se souvenir et de s’arrêter, […] mais je pense qu’il faut juste faire attention à la notion de spectacle, parce qu’il y a une communauté qui vit ici au quotidien », a rappelé la mairesse Morin.