Comme bien des cégépiens, Cristhin termine ces jours-ci ses études collégiales. Pour cette jeune femme qui a été prise en charge par la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) à 15 ans, c’est un peu une réplique à une phrase assassine livrée par sa belle-mère : « Tu vas finir comme ta mère, t’auras pas de diplôme. »

Il y en a un, diplôme : Cristhin, qui préfère taire son nom de famille, vient de terminer sa technique de médecine nucléaire au collège Ahuntsic.

Elle en a fait, du chemin, pour s’y rendre. À 11 ans, elle est arrivée de la République dominicaine pour vivre au Québec avec son père, sa belle-mère et ses deux demi-sœurs.

« Au début, ça allait bien, mais les choses se sont dégradées rapidement », relate-t-elle, assise à l’ombre d’un arbre devant le cégep. Le père de Cristhin n’est jamais à la maison, sa belle-mère est violente, physiquement et psychologiquement. Les années qui suivent sont tumultueuses pour l’enfant.

Cristhin se souvient par exemple d’une journée de congé scolaire où sa belle-mère l’a envoyée attendre l’autobus dans le froid et la neige, même si elle savait pertinemment qu’il n’y avait pas d’école ce jour-là.

À 15 ans, en rentrant d’un voyage en République dominicaine pour aller voir sa mère, Cristhin ne trouve pas son père pour l’accueillir à l’aéroport. Elle attend des heures avec un employé de la sécurité. Son père est appelé à l’interphone : il s’est peut-être seulement trompé d’entrée…

C’est la police qui est venue me parler, puis la DPJ. C’était un peu une nuit irréaliste, honnêtement.

Cristhin

Elle est placée devant un choix déchirant. « Ils m’ont demandé si je voulais embarquer dans le premier vol de retour en République dominicaine le lendemain matin ou rester et être prise en charge par la DPJ, parce que mon père ne voulait pas de moi », raconte Cristhin.

La famille d’accueil qui change tout

« Être dans une famille d’accueil, c’est la meilleure chose qui me soit arrivée », dit maintenant Cristhin. Pendant trois ans, elle vit avec une famille haïtienne. « Je me suis sentie incluse. Quand j’avais un évènement à l’école, ils étaient toujours présents », dit-elle.

Elle cite les repas prêts le soir, ce qu’elle n’avait pas connu avec son père. L’adolescente découvre qu’elle aime la lecture, le volley-ball, s’implique dans la vie de son école secondaire.

À sa majorité, toutefois, elle quitte la famille. C’est là que la Fondation des jeunes de la DPJ entre dans sa vie et lui donne un coup de pouce pour se loger, payer ses études, ses livres.

Savoir que chaque mois, je n’ai pas besoin de payer ma carte OPUS, ça enlève un stress. Dans les premiers mois, c’est la Fondation qui payait mon loyer.

Cristhin

Après un bref passage dans un programme de soins infirmiers, elle s’est inscrite au cégep en technologie de médecine nucléaire. « Je n’avais pas la moindre idée de ce que c’était », dit la jeune femme.

Aujourd’hui, Cristhin vit avec son copain en appartement. Elle fera cette semaine l’examen de l’ordre professionnel qui lui permettra de pratiquer son métier de technologue en médecine nucléaire, un secteur où les emplois ne manquent pas.

Cristhin a toujours des liens avec sa famille d’accueil et a repris contact avec son père, qu’elle voit sur une base régulière. Absent à la remise des diplômes du secondaire, il était dans la salle lors de la remise des diplômes au cégep Ahuntsic. « J’étais contente », dit Cristhin.

Pourquoi raconte-t-elle son histoire ? « Souvent, on dirait qu’on voit juste le mauvais côté de la DPJ. Je pensais qu’à 18 ans, on te mettait à la rue et on te disait : “Débrouille-toi par toi-même” », dit Cristhin, qui ajoute qu’il y en a « pour qui ça finit bien ». Elle veut que ceux qui ont fait des dons à la Fondation sachent qu’ils ont contribué à sa réussite.

À 22 ans, Cristhin rêve maintenant d’une grande maison avec une cour. Elle se voit hors de Montréal, cite Chicoutimi, ou pourquoi pas Rimouski, pour s’établir. Les hôpitaux qui souhaitent embaucher une diplômée fraîchement sortie du cégep sont priés de se manifester.

En savoir plus
  • 25 %
    Pourcentage des jeunes de la DPJ qui ont un diplôme d’études secondaires à 19 ans
    Source : Fondation des jeunes de la DPJ
    1 sur 4
    Jeunes de plus de 18 ans auxquels la Fondation des jeunes de la DPJ vient en aide
    Source : Fondation des jeunes de la DPJ