(Québec) Le gouvernement Legault porte atteinte au droit à la propriété en voulant réduire les indemnités versées en cas d’expropriation, estime l’Institut de développement urbain (IDU), le lobby des promoteurs immobiliers. Son projet de loi à venir risque de refroidir les investisseurs, selon lui.

La Presse a révélé mardi que la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, déposera cette semaine un projet de loi pour modifier la Loi sur l’expropriation, dont elle est responsable.

Selon nos informations, le texte législatif fera en sorte que l’indemnité sera fixée sur la base de la valeur marchande du bien exproprié et non plus de la « valeur au propriétaire ». À l’heure actuelle, le gouvernement et les municipalités doivent indemniser un propriétaire pour les revenus potentiels qu’il pourrait tirer de son terrain, ce qui fait grimper la facture. L’intention du gouvernement est que l’indemnité soit juste et raisonnable, qu’elle n’ait pour effet ni d’appauvrir ni d’enrichir le propriétaire.

Québec a étudié différents scénarios au cours des dernières semaines pour mesurer la différence entre l’ancien et le nouveau régime d’expropriation. Il en coûterait environ 26 % de moins sous le nouveau régime pour exproprier un commerce selon le cas de figure examiné (2,1 millions au lieu de 2,9 millions). Pour un club de golf, ce serait une économie majeure de 43 % : 7,7 millions plutôt que 13,4 millions. Enfin, dans le cas d’un immeuble résidentiel étudié, l’expropriant paierait 355 600 $ au lieu de 383 900 $, une différence de 28 300 $.

L’Union des municipalités favorable

L’Union des municipalités du Québec réclame depuis des années que Québec modifie la loi pour adopter le principe de la « valeur marchande ». Elle soutient que l’Ontario et la Colombie-Britannique ont adopté ce changement.

« C’est de la musique à nos oreilles », s’est réjouie mardi la mairesse de Montréal, Valérie Plante, en marge d’un évènement réunissant les maires du Grand Montréal. « C’est quelque chose qu’on demande depuis très, très longtemps pour nous donner de l’oxygène, nous donner les moyens de nos ambitions quand il est question d’acquérir des terrains. »

Or, l’IDU soutient que les lois de ces provinces s’inspirent toujours grandement du concept de « valeur au propriétaire » établi depuis longtemps par la jurisprudence.

On ne peut « en un tournemain prendre ses distances de 100 ans d’application du droit de propriété qui existe partout au Canada. Le danger, c’est d’avoir une indemnisation inférieure au Québec à ce qui se fait ailleurs au Canada », soutient son PDG, Jean-Marc Fournier.

Québec doit « mesurer les conséquences » d’une telle initiative, selon lui, surtout au moment où il y a un manque de logements. « Déjà que le Québec est la province où l’impôt foncier est le plus élevé, si tu rajoutes que le droit de propriété a une valeur reconnue moindre en cas d’expropriation, ça va être un repoussoir » pour les investisseurs, plaide-t-il.

Le PDG analyse que le gouvernement tente ainsi de satisfaire les municipalités, qui lui réclament plus d’argent, sans sortir son portefeuille. « Plutôt que de corriger la situation par un pacte fiscal conséquent, plutôt que de faire quelque chose qui va donner des moyens aux villes, il leur donne un outil pour se porter acquéreur [de terrains] pour moins cher, et c’est quelqu’un d’autre qui va payer la subvention », affirme-t-il.

Avec la collaboration de Philippe Teisceira-Lessard