(Ottawa) La Cour pénale internationale (CPI) ne s’est pas engagée dans une bataille qu’elle ne serait pas en mesure de livrer en lançant un mandat d’arrêt contre le président russe Vladimir Poutine. C’est ce qu’a soutenu son procureur Karim Khan, vendredi, dans le cadre de sa première visite officielle au Canada.

« Je comprends pourquoi certains disent que c’est une mission impossible, mais les gens pensaient aussi qu’il serait impossible d’inculper voire arrêter l’ex-président Milošević », a-t-il répondu en conférence de presse.

L’ex-président yougoslave Slobodan Milošević est mort dans sa cellule au centre de détention de La Haye en 2006. Il faisait face à des accusations de crimes contre l’humanité par le Tribunal pénal international sur l’ex-Yougoslavie. Les procédures judiciaires duraient alors depuis 2002.

M. Khan a dressé la liste d’autres tortionnaires épinglés par la justice internationale pour des crimes commis en ex-Yougoslavie, lors du génocide au Rwanda ou sous le régime des Khmers rouges au Cambodge. Il a également cité la condamnation de l’ex-dictateur du Tchad Hissène Habré, ainsi que de l’ex-président du Liberia Charles Taylor, dont il avait été l’avocat de la défense en 2006.

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Le président russe, Vladimir Poutine

« Nous faisons donc notre travail et la communauté internationale devrait faire le sien, a-t-il continué. Ce moment est une épreuve décisive. Nous contentons-nous de belles paroles ou voulons-nous agir collectivement en 2023 pour éliminer ces crimes d’intérêt international ? »

La CPI a lancé un mandat d’arrêt contre le président russe Vladimir Poutine, le 17 mars, et la commissaire présidentielle russe aux droits de l’enfant, Maria Lvova-Belova, pour « le crime de guerre de déportation illégale » d’enfants ukrainiens depuis l’invasion de la Russie en Ukraine qui a débuté en février 2022.

Une première soulignée par la presse internationale puisque la Cour n’avait jamais lancé de mandat d’arrêt contre un chef d’État en exercice et dont le pays est membre du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU).

Or, ce mandat d’arrêt risque d’être difficile à appliquer. L’Afrique du Sud, qui sera l’hôte du sommet des pays du BRICS en août, semble peu encline à arrêter M. Poutine s’il décidait d’y participer. Son président Cyril Ramaphosa avait indiqué la semaine dernière que le pays pourrait plutôt quitter la CPI avant de se raviser par la bouche de son porte-parole.

M. Khan a dit avoir bon espoir que le pays de Nelson Mandela, qui a vaincu « le crime terrible de l’apartheid », allait réaliser « ce que ça veut dire de souffrir, de perdre ses droits, d’être soumis » et qu’il allait appliquer la loi. Il a noté que la CPI pourrait aussi tenir l’audience pour confirmer les accusations auxquelles Vladimir Poutine fait face par contumace, comme le prévoit le Statut de Rome.

La visite officielle du procureur international au Canada vise à renforcer les appuis à la CPI dans ce contexte tumultueux. Le Canada a haussé son financement à 2 millions en décembre, ce qui en fait son premier contributeur.

Rectificatif:
Une version précédente de ce texte indiquait que la CPI pourrait tenir le procès de Vladimir Poutine par contumace alors que le procureur Karim Khan parlait plutôt de l’étape de la confirmation des accusations contre le président russe qui pourrait se dérouler en son absence. Toutes nos excuses.