Un vaste syndicat s’inquiète que le mandat du gouvernement Legault de « mettre la table » dans les prochains mois pour un encadrement législatif sur l’intelligence artificielle (IA) n’a été confié qu’à « un seul organisme », le Conseil de l’innovation du Québec (CIQ).

« [On] se questionne sur la pertinence de concentrer l’organisation d’une large réflexion citoyenne entre les mains d’un seul organisme centré sur l’innovation », a en effet réagi samedi le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), qui représente près de 135 000 travailleurs au Québec.

Le SCFP s’inquiète notamment « que ceux qui ont une expertise pointue dans les répercussions de l’IA sur l’emploi et sur les renseignements personnels — la Commission de l’éthique en sciences et en technologie (CEST) et la Commission d’accès à l’information — ne sont pas impliqués » dans le processus.

L’IA est une technologie qui est susceptible de perturber non seulement le monde du travail, mais la société en entier - à la fois positivement et négativement. Il faut donc que les forums publics incluent des représentants de tous les groupes de la société civile, dont les syndicats.

Patrick Gloutney, président du SCFP au Québec

D’ailleurs, le syndicat note que la CEST avait remis en 2021 « un avis au gouvernement du Québec au sujet des impacts de cette technologie sur le travail et la justice sociale », s’inquiétant que l’IA « pourrait entraîner la disparition d’une partie des emplois et la transformation d’une multitude d’autres ».

Mercredi, le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, avait confirmé qu’il reviendra au Conseil de l’innovation du Québec, mené par son directeur général Luc Sirois, de « mettre la table » et construire les prémisses d’un éventuel encadrement législatif de l’intelligence artificielle.

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Le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon

L’annonce avait été faite pendant une conférence de presse dans les bureaux de Mila — Institut québécois d’intelligence artificielle, qui a obtenu une reconduction de l’appui financier de Québec, à hauteur de 7 millions par année d’ici 2025.

« Le développement d’une IA responsable est essentiel pour assurer son acceptabilité et son intégration en entreprise, avait déclaré le ministre. Par notre financement à Mila, on vient soutenir des initiatives de recherche appliquée qui permettent au Québec de rester un leader dans ce domaine. »

Samedi, La Presse rapportait d’ailleurs qu’après avoir réclamé une pause de six mois dans la recherche sur l’intelligence artificielle (IA), il y a deux semaines, le fondateur de Mila, Yoshua Bengio, presse maintenant les législateurs canadiens de prendre leurs responsabilités en adoptant, dans les plus brefs délais, le projet de loi C-27 qui vise à réglementer le développement de cette technologie aux multiples possibilités.

L’étude de ce projet de loi a peu progressé depuis son introduction à la Chambre des communes par le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, il y a près d’un an. Or, selon M. Bengio, « il y a une certaine urgence d’agir ».

Lisez « Intelligence artificielle : Yoshua Bengio invite les élus à “ prendre leurs responsabilités ” »

Avec Joël-Denis Bellavance, La Presse