Ils rêvaient d’une nouvelle vie, en répondant à l’appel du Québec pour des renforts en santé, mais ils devront faire une croix sur leur projet de s’installer dans une coquette maison des Cantons-de-l’Est. Lucile Charrier, infirmière à l’hôpital de Verdun, et Thomas Bonnier, gestionnaire de projets, ont appris cette semaine que leur permis de travail ne sera pas renouvelé. Le couple de Français risque d’être expulsé du Canada.

« Tout s’arrête comme ça ? » C’est ce que Thomas s’est dit lorsque sa copine lui a lu, en pleurs, le courriel d’Immigration Canada.

Le couple vit pourtant à Montréal depuis deux ans. Lucile Charrier, 28 ans, a obtenu un permis de travail fermé avec l’obligation de travailler au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal. Grâce à elle, son conjoint de 30 ans a obtenu un permis de travail ouvert et il s’est trouvé un emploi dans le domaine de la construction.

« Notre objectif, c’était de déménager à Bromont prochainement. On est tombés en amour avec les Cantons-de-l’Est. Lucile aurait pu y exercer son métier d’infirmière », raconte Thomas Bonnier qui avait pris contact avec un courtier immobilier afin d’acheter une propriété dans la région.

Au moment d’effectuer leur demande de renouvellement de permis de travail en octobre dernier, le site d’Immigration Canada offrait deux options à Lucile : renouveler son permis fermé ou opter pour un permis ouvert, raconte Thomas Bonnier. Afin de déménager à Bromont, le couple a opté pour le permis ouvert.

Mais le 25 mars dernier, leur rêve s’est brisé. « Vous n’avez pas démontré que vous êtes [admissible] à demander un permis de travail ouvert en vertu du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés », indique une lettre d’Immigration Canada signée par « l’agent YK ».

Thomas Bonnier se dit déçu et découragé. « On ne se sait pas pourquoi. On ne comprend pas. On a envoyé tous les documents », dit-il.

« En France, il y a tout le temps des publicités ou des reportages commandités qui font la promotion du Québec comme quoi il y a du travail, de la sécurité et un cadre de vie accueillant. On nous dit : “Les Français diplômés, venez ! On a de la place pour vous !” »

« C’est ce qu’on a fait, mais ça devient compliqué. C’est un parcours du combattant pour rester sur le territoire », souligne-t-il.

Depuis qu’ils ont reçu la lettre d’Immigration Canada, Thomas Bonnier et Lucile Charrier n’ont plus le droit de travailler au pays. D’ailleurs, l’infirmière a appris la nouvelle dévastatrice alors qu’elle sortait du bloc opératoire à l’hôpital de Verdun. L’infirmière a avisé son supérieur qui l’a fait remplacer sur-le-champ. Thomas Bonnier a aussi prévenu son employeur qu’il ne pourrait plus travailler. Le couple a 90 jours pour régler son statut.

Le patron de Thomas Bonnier le décrit d’ailleurs comme une personne travaillante et fiable. « Je trouve ça dommage qu’on ne lui donne pas une chance au Québec », a dit Nicolas Chénard lorsque nous l’avons contacté. La propriétaire de leur logement dans La Petite-Patrie a également parlé d’un couple poli, qui paie toujours son loyer et qui garde les lieux de manière « impeccable ».

Revenir à la case départ

L’avocat spécialisé en immigration MMaxime Lapointe ne connaît pas tous les détails de ce dossier, mais il croit que Lucile Charrier aurait dû demander le renouvellement d’un permis de travail fermé. Le permis de travail ouvert, qui permet de changer d’employeur, est plutôt exceptionnel, affirme l’avocat. Il est accordé aux conjoints de ceux ou celles qui détiennent un permis d’études ou un permis fermé, par exemple.

« Le permis de travail ouvert, c’est l’exception. La norme, c’est le permis de travail fermé », souligne l’avocat.

MLapointe déplore toutefois que les critères du Programme de l’expérience québécoise (PEQ) aient été modifiés, en juillet 2020. Avant cette date, les immigrants pouvaient faire une demande de résidence permanente après avoir travaillé 12 mois dans la province et en démontrant un bon niveau de français.

« Maintenant, on demande 24 mois de travail, explique l’avocat. Ça veut dire que la journée où la personne qui a un permis de travail fermé peut enfin demander sa résidence permanente, elle ne peut plus travailler », explique-t-il.

« On laisse des personnes sur les lignes de côté en leur demandant de travailler 24 mois au lieu de 12 », dénonce-t-il.

Comme les permis de travail de Thomas Bonnier et de Lucile Charrier viennent d’expirer, ils ne peuvent plus effectuer une demande de résidence permanente. « Il faut qu’ils repartent à la case départ et qu’un employeur fasse une démarche de recrutement international pour eux. Une fois qu’ils obtiendront leur permis, ils devront accumuler des mois de travail. C’est sûr que c’est dramatique pour eux », laisse tomber MLapointe.

Immigration Canada n’a pas voulu commenter « en raison des lois sur la protection de la vie privée ».