(Ottawa) Le débat sur l’interdiction des armes d’assaut a dérapé à cause de la désinformation, selon le cofondateur de la Grande Mosquée de Québec, Boufeldja Benabdallah. Il a lancé un cri du cœur mardi avec Nathalie Provost de PolySeSouvient pour que les élus fédéraux interdisent une bonne fois pour toutes ces armes de style militaire.

« Cela fait plus de trois décennies que des victimes de tuerie de masse commises par ce type d’armes luttent pour une telle interdiction, a-t-il fait valoir en comité parlementaire. Moi, j’ai honte que dans un pays comme ça, que 33 ans de lutte et nous n’arrivons pas à nous mettre d’accord. »

Il a rappelé la commémoration en décembre pour les 14 victimes de la tuerie de Polytechnique et celle, il y a deux semaines, pour les six victimes de la Grande Mosquée de Québec. Il a également évoqué la fusillade au Collège Dawson.

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Le porte-parole du Centre culturel islamique de Québec, Boufeldja Benabdallah

« Nous devons encore revenir au Parlement, devant vous, pour faire valoir l’importance d’interdire ces armes d’assaut », a-t-il déploré.

« Nous n’en pouvons plus de faire ce chemin de croix », a affirmé à son tour la porte-parole de PolySeSouvient et survivante de ce féminicide de masse.

Le groupe souhaite que le gouvernement dépose de nouveaux amendements pour interdire les armes semi-automatiques de style militaire, qui incluraient une définition et une liste pour éviter que les manufacturiers introduisent de nouveaux modèles qui contourneraient la loi.

« Il y a certainement une manière de faire rationnelle qui n’est pas basée sur les émotions et qui fait que les chasseurs vont se sentir respectés dans leur pratique, mais qui fait que l’ensemble des Canadiens qui veulent vivre dans un pays en sécurité va avoir une loi sur les armes à feu », a fait valoir Mme Provost.

Le gouvernement a retiré au début du mois deux amendements controversés au projet de loi C-21 sur l’interdiction des armes de poing afin de l’élargir et d’interdire les armes d’assaut de style militaire. Ils avaient été déposés l’automne dernier après la fin des consultations publiques, ce qui avait soulevé un tollé. Le lobby des armes à feu s’était emparé de la question et les conservateurs répètent depuis que le gouvernement voulait carrément interdire les armes de chasse.

« Les chasseurs ne sont pas les ennemis dans ce cas-ci, les armes à feu ne sont pas une menace à la sécurité du Canada », a affirmé Jim Shockey, un animateur d’émissions de chasse connu au Canada anglais, lors de son témoignage. Il craint que l’impact d’une interdiction de certaines armes semi-automatiques ne nuise aux pourvoiries qui reçoivent des clients américains.

« Le gouvernement a perdu la confiance de nombreux chasseurs », a souligné à son tour Mark Ryckman de la Fédération des pêcheurs et chasseurs de l’Ontario lors de son témoignage. Ça va prendre du temps pour la regagner. »

Le comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes a décidé de poursuivre ses travaux et d’entendre des témoins sur l’interdiction d’armes d’assaut. Le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, n’exclut pas de déposer de nouveaux amendements après cette nouvelle consultation.

Le gouvernement pourrait avoir l’appui du Nouveau Parti démocratique (NPD) pour ses nouveaux amendements. « Ce que les organismes comme [PolySeSouvient] veulent voir, on appuie ça, a affirmé son chef, Jagmeet Singh. On appuie l’idée d’avoir un projet de loi qui protège les communautés avec des amendements spécifiques pour améliorer les protections. »

Le Bloc québécois se dit également en faveur d’une interdiction des armes d’assaut. Le Parti conservateur s’y oppose fermement.

Avec La Presse Canadienne