(Ottawa) Un contrat d’une valeur de plusieurs millions de dollars entre Ottawa et une entreprise privée portant sur la prestation de services de santé mentale et physique aux anciens combattants déclenche un nouveau bras de fer entre le gouvernement fédéral et les anciens combattants du Canada.

Le contrat avait déjà été fortement critiqué par le syndicat représentant les employés d’Anciens Combattants Canada, y compris des centaines de gestionnaires de cas qui viennent en aide aux anciens combattants les plus durement affectés par leurs blessures liées au service militaire.

Maintenant, d’autres voix, y compris celles d’anciens combattants et de professionnels de la santé de première ligne, s’élèvent pour remettre en question cet accord.

Le ministre des Anciens Combattants, Lawrence MacAulay, a défendu à plusieurs reprises le contrat de 570 millions avec Partenaires des services de réadaptation aux vétérans canadiens. Il soutient qu’il offrira, en fin de compte, de meilleurs services aux anciens militaires.

Cependant, le déploiement des services prend plus de temps que prévu, au point où la deuxième phase est désormais retardée.

Le gouvernement est donc sous pression pour qu’il déchire carrément le contrat qu’il a conclu avec Partenaires des services de réadaptation aux vétérans canadiens en juin 2021.

Réorganisation

En vertu du nouveau contrat, qui est entré en vigueur en novembre dernier, l’entreprise doit diriger les anciens combattants vers les cliniques et prestataires de réadaptation physique, mentale et professionnelle dans leurs communautés locales.

Le ministère des Anciens Combattants affirme que cet accord remplace deux anciens contrats, ce qui permettra aux anciens combattants et aux gestionnaires de cas surchargés d’économiser du temps et de l’énergie.

En fait, le ministère soutient que le contrat allégera le fardeau administratif de ses 450 gestionnaires de cas, dont la plupart continuent d’avoir une charge de travail importante, malgré les promesses répétées du gouvernement.

Cependant, ces arguments n’ont pas su apaiser les critiques du Syndicat des employés des Anciens combattants, tandis que de nouveaux intervenants commencent aussi à dénoncer cette entente.

Le sergent à la retraite Chris Banks, qui a servi en Bosnie et en Afghanistan avant de recevoir un diagnostic de trouble de stress post-traumatique, a notamment eu des déboires avec le nouveau programme.

« On m’a dit que je recevrais un appel [de l’entreprise] début janvier. Nous sommes maintenant en février », a dénoncé M. Banks.

« Je ne crois pas qu’ils soient prêts à relever le défi dans lequel ils se sont embarqués. Et je ne crois pas qu’ils se soucient du bien-être des anciens combattants. Ils pensent d’abord à leur profit », selon lui.

Drapeaux rouges

Selon la psychothérapeute Alisha Henson, qui travaille avec d’anciens combattants et leurs familles dans la vallée de l’Outaouais, le nouvel accord a pris par surprise les fournisseurs de soins de santé mentale de sa région.

« Les gens qui sont là depuis bien plus longtemps que moi ne comprennent rien et ne savaient même pas que ça allait arriver », a déploré la professionnelle.

Mme Henson et une vingtaine d’autres prestataires de soins de santé mentale de sa région ont d’ailleurs récemment publié une lettre ouverte dans laquelle ils levaient de nombreux « drapeaux rouges » concernant l’accord.

Les signataires s’inquiètent entre autres des exigences administratives supplémentaires, de l’incertitude quant à ce qui se passera si ceux qui travaillent actuellement avec des anciens combattants ne veulent pas rejoindre le nouveau programme et des réductions sur les taux de rémunération actuels.

Pour sa part, le Syndicat des employés des anciens combattants allègue que des responsabilités clés sont retirées aux gestionnaires de cas, ce qui nuit à leur relation avec les anciens combattants, en plus d’ajouter de la bureaucratie.

Retard

Les anciens combattants ont commencé à être transférés vers le nouveau programme en novembre, mais le ministère a confirmé que la deuxième phase du déploiement, qui devait commencer le 3 février, a été retardée.

« Nous avons décidé de modifier le calendrier de déploiement pour nous assurer que les participants à la phase A sont entièrement transférés avant de poursuivre avec la phase B », a expliqué le porte-parole du ministère des Anciens Combattants, Marc Lescoutre.

La présidente nationale du syndicat, Virginia Vaillancourt, qui a demandé au premier ministre Justin Trudeau de congédier le ministre MacAulay et d’annuler le contrat, estime qu’un simple report ne suffira pas et que le gouvernement devrait cesser de sous-traiter les soins aux anciens combattants.

Elle espère que maintenant que d’autres critiques sont formulées, notamment par les anciens combattants eux-mêmes, le gouvernement tendra l’oreille.

« Nous voulions avoir cette voix forte avec les anciens combattants et les fournisseurs de services, car nous les entendons également, a-t-elle souligné. Et nous savons quelles sont leurs préoccupations. »